Le phénomène des "objecteurs d'Etat" est en augmentation en Suisse alémanique
Ils seraient environ 10'000 "objecteurs d'Etat" ("Staatsverweigerer" en allemand) à être actifs en Suisse, selon une enquête de SRF. Une défiance envers l'Etat, considéré comme une entité trop puissante, qui s'enrichit sur le dos des citoyens, est au coeur de leur idéologie.
Attaquer l'Etat
"Il s'agit d'attaquer l'Etat, de le paralyser", explique Dirk Baier, directeur de l'Institut pour la délinquance et la prévention de la criminalité à la Haute école zurichoise des sciences appliquées, dans La Matinale de la RTS vendredi.
Ce qui caractérise les objecteurs d'Etat est la manière dont ils justifient leurs actions, précise-t-il. "Par exemple, un des narratifs est de dire que l'Etat est une entreprise. Alors on s'oppose activement à l'Etat et on justifie tout cela de manière conspirationniste en disant que l'Etat est trop puissant, que certains veulent s'enrichir sur le dos de la collectivité", poursuit-il.
"Terrorisme avec du papier"
Du côté de l'administration, l'action des objecteurs d'Etat provoque une forte augmentation de la charge de travail. Dirk Baier décrit d'ailleurs ces agissements comme du "terrorisme avec du papier".
Les offices des poursuites sont les premiers touchés par ce phénomène, explique Thomas Winkler, président de l'Association des fonctionnaires des offices des poursuites du canton de Zurich. "Parmi nos 57 offices des poursuites, la plupart ont déjà eu des contacts avec de telles personnes", déplore-t-il.
Thomas Winkler regrette ces entraves au travail, qui font perdre beaucoup de temps à ses collaborateurs et collaboratrices. "Jusqu'à ce qu'un acte administratif puisse être exécuté, on se retrouve à devoir rajouter de très nombreuses étapes supplémentaires", explique-t-il.
Il ajoute aussi que les objecteurs d'Etat "portent très volontiers plainte". "Bien entendu, celles-ci sont sans fondement, mais cela prend également beaucoup, beaucoup de temps", précise-t-il.
Mise en réseau
Face à ces défis, des formations ont été mises en place dans le canton de Zurich pour les fonctionnaires des offices des poursuites. Car si ceux-ci sont habitués à faire face "à une clientèle difficile", selon Thomas Winkler les objecteurs d'Etat utilisent des méthodes qui leur étaient jusqu'ici encore inconnues.
"La principale différence par rapport à ce qu'on connaissait déjà, c'est que les objecteurs d'Etat sont parfaitement connectés entre eux et savent exactement comment rendre la vie des autorités la plus difficile possible", affirme Thomas Winkler.
Selon Dirk Baier, depuis la pandémie de Covid-19, les personnes partageant les idées des objecteurs d'Etat ont en effet renforcé leur mise en réseau grâce à des groupes de discussion ou des workshops.
En Suisse romande, le phénomène est moins visible. Certains offices des poursuites vaudois ont cependant déjà été confrontés à de telles pratiques.
Camille Degott/edel