La firme de Baden injectera 350 millions de francs dans la plus ancienne infrastructure de ce type encore en activité sur la planète. L'équipement et la modernisation des deux réacteurs, propriété exclusive d'Axpo, ont déjà nécessité quelque 2,5 milliards de francs depuis leur mise en service, en 1969 et 1972 respectivement.
Le bloc 2 doit être mis en veille à partir de 2032 et le bloc 1 dès 2033, au terme de 64 ans d'opération. Les deux réacteurs seront par la suite désaffectés, assure le groupe dans un communiqué diffusé jeudi. La centrale produit pour l'heure quelque 6 TWh par année, représentant la consommation moyenne de 1,3 million de ménages.
A l'origine, on parlait d'une durée de vie possible de cinquante ans pour les centrales nucléaires suisses. Plus récemment, la branche a estimé la durée de vie à moins soixante ans. "Il est toutefois hors de question que Beznau puisse être exploitée plus longtemps, même pendant septante ans", a assuré le patron d'Axpo Christoph Brand.
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Un milliard de francs
Conjointement avec sa filiale BKW et ses homologues AEW, Alpiq, ainsi que BKW, Axpo prévoit en outre de débourser encore un milliard de francs additionnels dans la maintenance et la modernisation de la centrale de Leibstadt, en Argovie toujours, en plus du milliard et demi déjà concédé depuis son raccordement au réseau en 1984.
Mise en service en 1979, la centrale soleuroise de Gösgen, dans laquelle Axpo détient plus ou moins directement 37,5%, a nécessité 2,0 milliards de francs d'investissements depuis son inauguration en 1979.
Un débat ravivé
Le Conseil fédéral a ravivé fin août le débat sur l'énergie nucléaire, revenant sur la décision populaire exprimée en 2017 de tourner progressivement le dos à l'atome et d'interdire la construction de nouvelles centrales.
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Albert Rösti, à la tête du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication (DETEC) avait dans la foulée formulé l'éventualité de l'érection d'une nouvelle centrale sur le site de celle en voie de désaffectation de Mühleberg.
ats/vajo
Axpo va étudier l'intérêt de construire de nouvelles centrales nucléaires
Le directeur général du groupe énergétique argovien Axpo Christoph Brand s'est réjoui jeudi du projet du ministre de l'énergie Albert Rösti de lever l'interdiction sur les nouvelles centrales nucléaires. Cette décision ouvrirait de nouvelles possibilités pour l'approvisionnement énergétique de la Suisse, selon lui.
"En fin de compte, c'est le peuple qui décidera de toute façon, a-t-il déclaré lors de la conférence de presse annuelle à Baden, dans le canton d'Argovie. Et même si les Suisses se prononçaient en faveur de nouvelles centrales nucléaires, on ne saurait toujours pas comment gérer les risques financiers liés à une éventuelle construction et exploitation. Ce n'est pas un hasard si, dans de nombreux pays, l'Etat participe activement aux projets de centrales nucléaires."
Axpo va maintenant étudier différents scénarios au cours des douze prochains mois, notamment le nombre d'éoliennes nécessaires en Suisse ou le coût d'une centrale à gaz. Mais le groupe souhaite également aborder de manière approfondie la question du coût réel de la construction et de l'exploitation de nouvelles centrales nucléaires. "Il existe actuellement des déclarations extrêmement différentes à ce sujet", a affirmé Christoph Brand.
Des réactions mitigées
"La décision de fermer Beznau est logique après l'acceptation claire de la loi sur l'électricité en juin. Le développement accéléré des énergies renouvelables permet de poursuivre la sortie du nucléaire. Compte tenu des risques que représentent les centrales nucléaires, c'est une bonne décision pour la Suisse", a déclaré le directeur de la Fondation suisse de l'énergie (SES) Nils Epprecht, dans une prise de position.
La décision du groupe énergétique Axpo montre que la situation de l'approvisionnement en électricité s'est détendue depuis le début de la guerre en Ukraine, ajoute la SES. Le développement des énergies renouvelables se poursuit "à une vitesse record" en Suisse, comme dans toute l'Europe.
Les Vert'libéraux saluent, eux aussi, la fin des centrales nucléaires helvétiques, qui comptent parmi les plus anciennes du monde. "Les estimations montrent qu'avec le développement constant des énergies solaire et hydraulique, on n'aurait plus besoin de centrales nucléaires d'ici à 2032", affirme leur président Jürg Grossen.
Selon le conseiller national bernois, la Suisse produit aujourd'hui déjà environ 80 TWh d'électricité par année, alors qu'elle n'en consomme que 60 TWh.
Technologie "vétuste"
Les Vert-e-s saluent pour leur part "un pas important vers la sortie définitive du nucléaire en Suisse". Le parti estime toutefois que "la vétuste centrale nucléaire de Beznau est un risque réel pour la sécurité en Suisse. Plus vite elle sera déconnectée, mieux on se portera".
Pour le conseiller national Christophe Clivaz (Vert-e-s/VS), "les 350 millions nécessaires à la poursuite de son exploitation jusqu'en 2033 seraient mieux investis dans le tournant énergétique. D'autant qu'on gaspille en Suisse plus d'énergie que ce que produit Beznau".
Un avis partagé par Greenpeace, pour qui la poursuite de l'exploitation jusqu'en 2033 est inutile et dangereuse. "Plutôt que d'essayer de maintenir en vie une centrale nucléaire obsolète, il faudrait aujourd'hui encore accélérer les efforts de développement des énergies renouvelables", afin de parvenir à une décarbonation rapide du système énergétique, estime l'organisation écologiste.
"Roulette russe"
Le réseau Sortir du nucléaire dénonce lui une prolongation "inacceptable" de la centrale de Beznau "face au risque permanent que le nucléaire fait porter au pays et à ses voisins". A ses yeux, "dix années de plus pour la plus vieille centrale nucléaire au monde, c'est dix années de roulette russe en plus".
Pour son président Ilias Panchard, la Suisse "a besoin d'une planification de l'arrêt de toutes les centrales nucléaires. Le développement accéléré des énergies renouvelables le permet, la sécurité de la Suisse l'exige".