Le romanche a fêté le 19 février ses 80 ans d'accession au statut de langue nationale. A cette occasion, La Matinale de la RTS consacre une semaine thématique au canton des Grisons et à ses spécificités linguistiques.
Le canton des Grisons et ses particularités linguistiques
Les liens avec Zurich
Mille romanches sur les bords de la Limmat
On dit souvent de Zurich qu'elle est la plus grande ville grisonne...en dehors du canton.
Selon l'Office de la statistique de la ville de Zurich, environ mille habitants indiquaient le romanche comme langue principale lors du dernier relevé en 2013. Un chiffre significatif, sur un peu plus de 40'000 romanchophones dans tout le pays.
Zurich est traditionnellement la ville où les Grisons vont étudier ou travailler. C'est aussi celle où l'on va pour réussir et se faire connaître, et bon nombre de Grisons y mènent des carrières de premier plan.
L'humoriste Claudio Zuccolini, par exemple, qui rencontre un grand succès dans toute la Suisse alémanique.
Le tourisme, un secteur prospère
Essor du créneau culturel
Le tourisme génère un emploi sur deux dans le canton des Grisons. L'Engadine, une vallée qui va du col de la Maloja jusqu'à la frontière autrichienne, est d'ailleurs l'un des berceaux du tourisme alpin. Au programme: nature grandiose et sports d'hiver.
Mais le secteur du tourisme culturel, qui vise un public plutôt fortuné, généralement des Allemands et des Suisses, est en plein essor. Le petit village de Sils Maria, par exemple, est depuis un siècle et demi un lieu apprécié de toute l'intelligentsia européenne: écrivains, hommes politiques ou philosophes.
L'hôtel cinq étoiles Waldhaus est en mains de la même famille depuis son inauguration en 1908 et mise sur le secteur de niche de la culture. Et son succès fait des émules dans la région, de festival en hôtel dédié aux artistes contemporains.
La Mesolcina
La vallée que l'on confond avec le Tessin
Parmi les vallées italophones des Grisons, la Mesolcina et ses sept communes sont géographiquement plus proches de Bellinzone, le chef-lieu du Tessin, que de Coire, sur l'autre versant du San Bernardino.
La Mesolcina est souvent confondue avec le Tessin, jusque dans l'administration cantonale à Coire. Pourtant, ses habitants ne veulent surtout pas être considérés comme des Tessinois!
"Si vous demandez aux gens si la Moesa devait être rattachée au Tessin, on vous répondra que non!", estime Nicoletta Noi-Togni, députée au Grand conseil grison et écrivain. "C’est clair, nous avons une tradition, une histoire (...) C'est peut-être aussi parce qu'on paie moins d’impôts et que les primes maladies sont plus avantageuses au Grisons. Et puis (...) on se sent différents, un peu spéciaux...", poursuit-elle.
Même si au quotidien, les choses ne sont pas toujours simples: les écoliers, par exemple, passent de l’italien à l’allemand lorsqu'ils quittent l’école primaire pour poursuivre leur cursus et sont soumis à un examen d’allemand dans leur propre canton!
"Sur l'aiguille de la balance"
"J’aime beaucoup les Grisons, parce que j’y ai travaillé dans divers endroits, je vais souvent y skier et en vacances. Je me sens aussi un peu tessinois, parce que c’est juste à côté. Si on fait des courses ou qu'on sort, c’est toujours au Tessin. On est sur l’aiguille de la balance, juste au milieu. Mais je suis Grisons et content de l’être", tranche de son côté Alan Rosa, propriétaire et chef du restaurant Groven à Lostallo, et connu pour ses émissions de cuisine à la RSI.
Le rôle des médias
La Quotidiana, un journal en cinq langues
La Quotidiana constitue un cas rare, voire unique dans le paysage médiatique suisse. Né en 1997 de la fusion de trois quotidiens régionaux, ce journal plurilingue traite l'actualité dans les cinq idiomes grisons.
Avec seulement 4000 abonnés, La Quotidiana connaît actuellement des difficultés financières. "Le problème c'est que les Rhéto-romanches sont bilingues ou plurilingues. Pour notre journal, c'est un désavantage car les Romanches ne renoncent pas à leur abonnement à un journal en allemand. Tous ne sont pas prêts à payer plusieurs abonnements", explique le rédacteur en chef Martin Cabalzar.
La survie de ce journal dépasse l'enjeu médiatique car il symbolise la culture rétho-romanche, estime de son côté Andreas Gabriel, porte-parole de la Lia Rumantscha ("Ligue romanche"): "Il sert à la diffusion de la langue, il contribue au débat quotidien sur des thèmes politiques et aide à l'échanges au sein d'une communauté linguistique et culturelle. C'est comme un forum de la politique des langues".
Diversités linguistiques locales
L'enseignement des langues
Très présente dans toute la Suisse, la question des langues est particulièrement intense dans les Grisons avec l'allemand, l'italien et, bien sûr, le romanche.
Malgré la volonté de créer une langue unifiée depuis une trentaine d'années - le romanche grison - les idiomes régionaux restent encore bien vivants. On en dénombre cinq, chacun ayant sa propre forme écrite: le puter, le vallader, le sutsilvan, le surmiran et le sursilvan.
Cette diversité se retrouve souvent au cœur de débats politiques dans les régions romanchophones du canton depuis de nombreuses années et, notamment, sur le terrain de l'école.
Littérature romanche
Nombreux ouvrages contemporains
Le romanche est de moins en moins parlé, mais il regorge de petits bijoux littéraires, également disponibles en éditions bilingues.
Parmi les plumes contemporaines les plus connues, on trouve notamment Rut Plouda, Chatrina Josty, Bibi Vaplan, ou encore Angelika Overath, une écrivain allemande expatriée en Engadine il y a dix ans.
>> Le "catalogue" de RTSCulture : Petits bonheurs littéraires en rhéto-romanche
Chasper Pult
"Le romanche ne se porte pas mal"
La langue romance se porte bien. C'est ce qu'observe Chasper Pult, ancien président de la Lia Rumantscha (Ligue romanche).
"On disait depuis une centaine d'années que le romanche allait mourir, mais ce n'est pas du tout le cas. Au contraire, je constate qu'il y a une dynamique culturelle et linguistique qui est remarquable chez les jeunes."
Economie
Les Grisons misent sur l’agrotourisme
Avec plus de 4,6 millions de nuitées enregistrées en 2016, le canton des Grisons représente l’une des destinations touristiques les plus prisées en Suisse, à la fois pour la clientèle indigène et étrangère.
Mais, comme beaucoup d'autres stations alpines, les Grisons connaissent une baisse de fréquentation. Désormais, le canton de Suisse orientale mise également sur l’agrotourisme pour attirer de nouveaux visiteurs avec, notamment, des produits locaux, explique Jon Domenic Parolini, directeur du Département cantonal de l’économie publique.
A noter que, parmi les 2000 exploitations agricoles grisonnes, plus de la moitié sont actuellement converties à l’agriculture biologique.