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Moutier se prononce à nouveau sur son appartenance cantonale le 28 mars

Moutier vote le 28 mars sur son appartenance cantonale, quatre ans après un premier vote invalidé.
Moutier vote le 28 mars sur son appartenance cantonale, quatre ans après un premier vote invalidé. / 19h30 / 1 min. / le 22 mars 2021
Pour la huitième fois en six décennies, la population de Moutier va se prononcer sur son avenir territorial, après l'invalidation du dernier scrutin. Le choix qui lui est soumis le 28 mars est simple: rester dans le canton de Berne ou lancer le processus pour rejoindre le canton du Jura.

La question posée le 28 mars aux Prévôtoises et Prévôtois est simple: "Voulez-vous que la commune de Moutier rejoigne la République et Canton du Jura?"

La population de Moutier, une commune de 7400 habitants dont 4440 ayants droit, avait déjà dû y répondre le 18 juin 2017. A l'issue d’un long suspense et d'un recomptage de dernière minute, le oui l’avait emporté à 51,7%, soit par 137 voix d'écart (2067 oui contre 1930 non). La participation s'était élevée à 89,72%.

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Si le camp pro-bernois avait affiché sa déception, une liesse populaire s'était emparée de la ville, des milliers de Jurassiens effectuant le déplacement avec leur drapeau, en compagnie du gouvernement du canton in corpore.

Le premier vote invalidé

Mais après la fête, et bien que le scrutin ait été validé par les observateurs de l'Office fédéral de la justice dépêchés sur place, les recours se sont ensuite succédé contre le résultat. Des irrégularités dans le vote par correspondance, un non-respect de la feuille de route mise en place par les deux cantons et des soupçons de tourisme électoral ont notamment été mis en avant.

Après une longue procédure, la préfète du Jura bernois Stéphanie Niederhauser a finalement invalidé le scrutin en novembre 2018, pour la plus grande stupeur des autonomistes, qui ont dénoncé un déni de justice, estimant la juge trop proche des milieux anti-séparatistes. Dans le camp pro-bernois, on s'est évidemment réjoui de ce revirement, estimant que la préfète avait effectué son travail en toute indépendance.

Le camp séparatiste a ensuite fait recours contre l’invalidation du scrutin, mais le Tribunal administratif bernois a confirmé la décision d’annulation en faisant état "de graves violations du droit" de la part des autorités prévôtoises. Les séparatistes ont en fin de compte renoncé à porter l’affaire devant le Tribunal fédéral.

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Alors que la Question jurassienne devait se clore avec ce premier scrutin, il n'en a finalement rien été et, si le soufflé est quelque peu retombé quatre ans plus tard, l'incertitude demeure pour Moutier, qui doit donc répéter son vote, avec des antagonismes qui demeurent inchangés.

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Un scrutin sous haute surveillance

Pour éviter un nouveau couac, la Confédération a mis un soin tout particulier à l'élaboration de mesures exceptionnelles pour un scrutin communal. L'objectif est de garantir au maximum la sécurité du processus, d'installer un climat de confiance dans la population et surtout d'éviter toute nouvelle contestation.

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L'Office fédéral de la justice a ainsi pris en charge la vérification, la sécurisation et l'envoi du matériel de vote. Les urnes ont été scellées début mars à l'Hôtel de Ville par huit fonctionnaires fédéraux. Un container scellé permet aux ayants droit de déposer directement leur enveloppe jusqu'au 26 mars, alors que les votes par correspondance doivent être envoyés à l'OFJ et seront ramenés à Moutier le dimanche du vote. Le dépouillement s'effectuera aussi sous surveillance de la Confédération.

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En parallèle, le registre électoral est placé sous la surveillance de la Chancellerie bernoise et de la commune de Moutier. Un contrôle systématique des cartes de légitimation aura lieu à l'entrée du bureau de vote et lors du dépouillement du vote par correspondance. Dans un souci du détail, les poubelles ont été supprimées dans les locaux de la Poste pour éviter que certains citoyens n'y jettent leur matériel de vote.

En charge du dossier, la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter s'est même rendue à Moutier en personne au début du mois pour faire un ultime point sur le dispositif mis en place pour l'organisation du scrutin, souhaitant que ce vote soit un "exemple concret de paix confédérale".

Des arguments qui restent les mêmes

Contrairement au premier scrutin, la campagne est restée calme, en premier lieu à cause des restrictions sanitaires et aussi parce que les autorités des deux cantons et de la ville se sont abstenues de faire campagne pour éviter d'envenimer le débat. A défaut de grands rassemblements, les deux camps luttent plutôt via des courriers postaux, des interviews dans les médias et surtout sur les réseaux sociaux, à coups de vidéos et de slogans. Les arguments avancés par les deux camps n'ont guère évolué depuis 2017, toujours aussi inconciliables.

Pour le comité autonomiste "Moutier Ville jurassienne", un oui le 28 mars serait synonyme d'avenir meilleur et de paix retrouvée pour les Prévôtoises et Prévôtois. Un transfert dans le canton du Jura permettrait à Moutier d'exister et de rayonner alors qu'un maintien dans le canton de Berne se traduirait au mieux par un statu quo. "Nous pourrons surtout rendre justice aux Prévôtois qui se sont fait voler leur vote en 2017", estime le directeur de campagne Cédric Erard.

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Le groupement non séparatiste "MoutierPlus" estime de son côté qu'il n'y a aucun avantage au changement d'appartenance cantonale. Il souligne que la cité prévôtoise bénéficie de plus d'opportunités dans le canton de Berne qu'en rejoignant le Jura, tant sur le plan fiscal qu'économique. "On n'a plus envie des querelles du passé, on a envie de s'adresser aux Prévôtois qui ne se reconnaissent plus ou pas dans le séparatisme", juge la porte-parole Muriel Käslin.

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>> Le grand débat dans Forum :

Le grand débat - Moutier, bernoise ou jurassienne? [RTS - Gaël Klein]
Le grand débat - Moutier, bernoise ou jurassienne? / Forum / 31 min. / le 17 mars 2021

Frédéric Boillat

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