La RTS a pu se procurer une copie de cette lettre, reçue cette semaine par la conseillère fédérale en charge du Département fédéral de justice et police. Le Conseil exécutif bernois émet "de forts doutes en lien avec des arrivées croissantes de 2018 à 2020" dans la ville. Parmi ces arrivées, "une part croissante de personnes sans emploi ou à l'aide sociale (…) pour qui il était plus difficile de comprendre a priori le lien avec Moutier".
Pour Berne, il n'est "pas possible de s'assurer que toutes ces personnes sont bien établies à Moutier et encore moins qu'elles ont l'intention de s'y établir durablement, deux conditions du droit de vote".
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Un registre clé remis en question
Le registre électoral a pourtant fait l'objet d'une surveillance accrue de la part de la commune et du canton de Berne, sous la supervision de la Confédération. Près de 20% des citoyennes et citoyens inscrits ont fait l'objet d'investigations. Dans un communiqué publié le 5 mars, le chiffre de 25 situations à clarifier était mentionné par le canton de Berne. Mais en annexe au courrier, le Conseil exécutif a envoyé à la Confédération une liste de nouvelles personnes "pour lesquelles le doute reste important". Nous n'avons pas pu consulter cette liste, mais le Blick évoque une centaine de noms.
Le canton de Berne mentionne également une correspondance avec le mouvement anti-séparatiste "Moutier Résiste", absent officiellement de la campagne de la répétition du vote. Dans la lettre, il est expliqué que le mouvement exerçait un "contrôle citoyen" du registre et qu'il était "loin d'être satisfait".
Cantons représentés au dépouillement
Selon nos informations, le canton de Berne a également demandé vendredi de pouvoir envoyer deux représentants pour assister au dépouillement dimanche après-midi. Conséquence, le canton du Jura en a fait de même. Ils seront présents dans la salle, mais n’auront aucun rôle officiel dans la surveillance, contrairement aux 16 observateurs fédéraux déjà prévus.
Pas de troisième vote pour Berne
Reste que si cette lettre ne remet pas directement en cause le résultat de demain, elle ouvre la voie à ce qu'il soit attaqué en justice. Dans la missive, le Conseil exécutif bernois précise "que tout a été fait avec les moyens à disposition" et que pour en faire davantage "ce serait, le cas échéant, à la justice de s'en saisir à nouveau comme elle l'avait fait en annulant le vote de 2017". Et le canton est très clair dans son préambule: "passé le vote du 28 mars, le Conseil exécutif n'en organisera plus et fera abroger la base légale en fin de processus".
Une "intervention intempestive", selon la commune
Dans un communiqué publié samedi, le canton de Berne confirme l'envoi de la lettre et réitère ses doutes sur "le nombre élevé de nouveaux arrivants".
Sollicité par la RTS, "le Conseil municipal s'étonne de cette intervention intempestive du gouvernement bernois, qui survient alors que les bureaux de vote sont ouverts et sans concertation avec les autres partenaires". Quant à la question du tourisme électoral, la commune prévôtoise se réfère au communiqué commun du 5 mars, qui faisait état de 25 cas à clarifier, dont la moitié l'a été depuis. Le Conseil municipal précise que toutes les personnes arrivées depuis plusieurs mois ont été contrôlées. Enfin, il a demandé à plusieurs reprises d'avoir accès à la liste dont il est fait mention, ce qui lui a été refusé par Berne.
La Confédération en reste également à cette communication du 5 mars. Elle attend du canton de Berne qu'il transmettre ce courrier en toute transparence à la commune. Jean-Christophe Geiser, chargé de la question jurassienne à l'Office fédéral de la justice, rappelle que le travail de surveillance sur le registre se fait depuis plus d’une année. "On est dans une situation totalement différente du 18 juin 2017 par rapport au contrôle de ce registre", a-t-il indiqué à la RTS.
Enfin, du côté du Gouvernement jurassien, on ne souhaite pas commenter le fond. Tout au plus la présidente Nathalie Barthoulot dit regretter ces agitations de dernière minute, alors même que le vote de ce week-end s'inscrit dans un processus préparé sereinement depuis de nombreux mois dans le cadre de la Tripartite.
L'exécutif jurassien a déjà réagi il y a quelques jours en réservant ses remarques à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter.
Cédric Adrover
Déjà un premier recours
Une procédure de recours a été ouverte concernant les déclarations dans les médias de la présidente du Conseil du Jura bernois (CJB) et députée-maire Virginie Heyer en lien avec la campagne sur l'appartenance cantonale de Moutier (BE). La préfecture du Jura bernois a précisé mercredi avoir retiré l'effet suspensif au recours pour que la votation du 28 mars puisse avoir lieu.
"Comme les motifs invoqués dans la conclusion de ce courrier font clairement référence à l'influence que pourraient avoir les propos tenus par Madame Heyer sur la formation de l'opinion des citoyennes et des citoyens de Moutier, une procédure de recours contre un (ou des) acte(s) préparatoire(s) a été ouverte", écrit la préfète du Jura bernois Stéphanie Niederhauser.
Ce courrier a été déposé le 16 mars 2021. La préfecture ne précise pas de qui émane ce recours. Mais selon la presse régionale, il a été déposé par un groupe de citoyennes et citoyens prévôtois autonomistes qui ne mettent toutefois pas en cause le processus de vote. Cette démarche a suscité l'indignation du comité non-séparatiste MoutierPlus.
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Le Conseil du Jura bernois souhaite que Moutier (BE) se prononce en faveur de son maintien dans le canton de Berne. "La Ville de Moutier a toute sa place dans le Jura bernois", a ainsi déclaré jeudi Virginie Heyer. La prise de position de cette sorte de Parlement régional chargé de défendre les intérêts de la population du Jura bernois a été prise par 19 voix contre 4 et 1 abstention.
Le CJB s'est prononcé sur une votation communale, car il estime que le scrutin du 28 mars a une portée qui va bien au-delà d'un cadre strictement communal.
(ats)