Sur la route qui mène à Kandersteg, le petit village de Mitholz paraît très calme. On est loin de s'imaginer les années de travaux qui s'annoncent pour évacuer les munitions de l'ancien dépôt militaire qui s'y trouve.
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Cet immense chantier devrait durer près de vingt ans, ce qui n'est pas sans conséquence pour la population locale: certains habitants devront s'en aller durant les travaux, d'autres pourront choisir entre partir ou rester malgré un quotidien forcément perturbé.
Déménagements lancés
Cosette Künzi fait partie de celles et ceux qui devront quitter Mitholz d'ici 2025. Originaire du Val-de-Ruz, elle y vit depuis une quarantaine d'années. Même si la Confédération s'est engagée à racheter les propriétés concernées, l'émotion reste forte: "On est à fleur de peau, on y pense tous les jours, du matin jusqu'au soir, ça nous prend aussi à la santé"
Cosette Künzi et sa famille sont agriculteurs: "C'est difficile de trouver un domaine, une exploitation agricole qui nous permette de vivre de l'agriculture. 2025, ça va arriver vite mais pour l'instant on n'a rien trouvé".
Juste devant chez elle, Cosette nous montre une maison voisine: "Elle est vide, ils sont partis à Frutigen. De temps en temps on voit des militaires qui viennent tondre le gazon".
Une dizaine de personnes ont déjà quitté Mitholz. Avec les différents périmètres de risque définis, 51 villageois doivent encore partir, explique Roman Lanz, président de la commune de Kandergrund. Les autres peuvent choisir. "C'est difficile d'imaginer ce que ce chantier peut représenter en termes de nuisances. Mais ça leur laisse plus de temps pour décider", suggère l'élu, qui souligne que même s'ils optent pour un départ plus tard, ils seront aidés par les autorités.
Je suis soulagée de pouvoir rester mais aussi triste que d'autres partentMonika Küenzi
Ces différents périmètres, Monika Küenzi les connaît bien. La limite passe juste devant la maison familiale qu'elle occupe avec ses parents âgés. Elle a décidé de rester, une évidence pour elle qui habite Mitholz depuis toute jeune: "C'est magnifique ici, on a les montagnes, le pré avec des vaches, j'ai un grand jardin avec des légumes".
Elle ne voit pas de risque à rester: "sur la route c'est dangereux, partout c'est dangereux. Ici, il ne s'est rien passé pendant 70 ans", référence à l'explosion qui a marqué le village en 1947 (lire encadré).
Qui reviendra?
Le réalisateur Theo Stich a récemment réalisé un documentaire sur Mitholz. Il s'y est rendu à plusieurs reprises. Selon lui, les habitants sont attachés à leur village et à la nature, mais pas plus que d'autres qui habitent ce genre de villages des Alpes.
Mais quel avenir pour Mitholz après les travaux, à l'horizon 2040? Certains se veulent positifs, relevant notamment qu'un tunnel détournera à l'avenir la circulation de la route - très fréquentée - qui passe au milieu du village. "Mais qui sera là pour y vivre?", se demande Theo Stich."Peu d'habitants reviendront après les travaux", car ils sont déjà âgés. "Et après de nombreuses années loin de Mitholz, est-ce que leurs enfants voudront venir?"
Monika Küenzi partage ces doutes. L'émotion est d'ailleurs palpable quand elle rencontre certains villageois. "La semaine dernière, j'ai discuté avec des gens qui vont s'en aller... les larmes n'étaient pas loin".
Katia Bitsch, Guillaume Rey
L'explosion de 1947 avait fait 9 morts
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée a construit un dépôt souterrain de munitions militaires à Mitholz, sur la commune bernoise de Kandergrund. En 1947, une partie des quelque 7000 tonnes brutes de munitions qui y étaient entreposées a explosé, faisant neuf victimes. Par la suite, une autre partie des munitions a pu être évacuée. Selon une estimation, près de 3500 tonnes brutes de munitions sont encore enfouies sous les gravats.
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