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Une famille des Balkans est accusée de traite d'êtres humains dans le Jura bernois

Une affaire de traite d’être humain s’est ouverte lundi au Tribunal de Moutier
Une affaire de traite d’être humain s’est ouverte lundi au Tribunal de Moutier / 19h30 / 1 min. / le 7 novembre 2022
Cinq hommes originaires des Balkans sont accusés d'avoir asservi des épouses en faisant régner un climat de terreur dans leurs domiciles familiaux dans le Jura bernois. Le père et ses quatre fils doivent répondre notamment de traite d'êtres humains, de mariage forcé, de viols et de séquestration.

Selon l'acte d'accusation de 34 pages, le père de famille de 65 ans a arrangé le mariage de ses quatre fils en faisant venir depuis les Balkans dans le Jura bernois des jeunes filles. Pour l'un d'eux, il a amené illégalement une Albanaise mineure issue d'une famille pauvre. Aux parents, il a promis une vie meilleure si elle mariait son fils. Une fois en Suisse, la jeune femme aurait été victime de maltraitance.

Le même scénario s'est répété dans les grandes lignes pour les trois autres jeunes femmes avec parfois des mariages traditionnels qui étaient arrangés entre les familles. L'une des quatre victimes était âgée de 14 ans. Comme elle ne voulait pas se marier dans ces conditions, le prévenu aurait donné 300 euros à ses parents.

>> Les précisions de Cédric Adrover dans le 12h45 :

Ouverture à Moutier, d’un procès où cinq hommes sont accusés de traite d'être humain. Cedric Adrover a assisté à l'audience.
Ouverture à Moutier, d’un procès où cinq hommes sont accusés de traite d'être humain. Cedric Adrover a assisté à l'audience. / 12h45 / 1 min. / le 7 novembre 2022

Surveillé par une caméra

"J'ai peur pour mon avenir, je ne sais pas ce que l'avenir me réserve", a déclaré l'une des quatre jeunes femmes devant le tribunal collégial. Assistée d'un interprète, cette mère de deux enfants a raconté en albanais son vécu avec son mari, avec lequel elle est en procédure de divorce, et avec le reste de la famille.

"J'ai été frappée par mon beau-père", a affirmé la jeune femme d'une voix forte, l'accusant de se servir avec son mari de son enfant comme moyen de pression. Elle estime n'avoir jamais eu de libre choix et avoir été l'objet d'une surveillance constante, évoquant une caméra dissimulée dans sa chambre.

Pas de confrontation

L'audience devait se poursuivre avec l'audition des autres parties plaignantes. Illustration de la tension qui régnait dans le tribunal délocalisé pour l'occasion, les victimes âgées entre 24 et 36 ans n'ont pas voulu être confrontées avec les prévenus qui contestent les faits reprochés. Les accusés ont suivi l'audience depuis une salle annexe par vidéoconférence.

Selon l'acte d'accusation, le père expliquait à ses fils âgés d'une trentaine d'années qu'il fallait faire preuve de violence avec les épouses si elles ne leur obéissaient pas ou si elles refusaient d'entretenir des relations sexuelles. Pour le Ministère public, les cinq prévenus ont fait régner un climat de terreur, isolant totalement les victimes.

Menaces et coups

Les jeunes femmes ont été menacées de mort, battues et injuriées, selon le Ministère public qui affirme dans son acte d'accusation que les prévenus ont agi intentionnellement et en commun dans le but d'asservir les victimes à des fins d'exploitation de leur travail mais aussi pour les maris à des fins d'exploitation sexuelle.

Les épouses devaient se consacrer "quasi continuellement" aux tâches ménagères tant au domicile de leurs beaux-parents qu'au domicile conjugal. Elles n'osaient pas s'habiller comme elles le souhaitaient et devaient se soumettre à des relations sexuelles non consenties. L'une d'elles devait laver les pieds de son beau-père et de l'un de ses beaux-frères chaque soir, selon l'acte d'accusation.

Les quatre fils doivent aussi répondre à des degrés divers de traite d'êtres humains, de lésions corporelles simples, de viols et pour certains d'entre eux de séquestration et de contrainte. Les faits qui sont reprochés aux cinq prévenus se sont déroulés durant plusieurs années dans des villages du Jura bernois.

Verdict le 24 novembre

Par peur de mourir, les victimes ont pendant plusieurs années été incapables de fuir. C'est en 2019 que les quatre épouses ont réussi à s'enfuir et ont porté plainte.

Le procès doit durer toute la semaine. Le jugement est fixé au 24 novembre. En attendant, la présomption d'innocence prévaut.

ats/hkr

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