Le 22 septembre, les habitants et habitantes de la ville de Bienne renouvellent leurs autorités. Après quasiment 50 ans d'un pouvoir sans partage, cette élection pourrait marquer la fin de l'ère socialiste à Bienne, avec un duel indécis entre les conseillères municipales sortantes Glenda Gonzalez Bassi (PS) et Natasha Pittet (PLR).
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Maire de Bienne depuis 2011, Erich Fehr a, lui, décidé de tourner la page de la politique. Interrogé dans La Matinale, l'édile estime que la gauche a fait du bien à la ville bilingue.
"Quand vous regardez la ville, la manière dont elle se développe, les places de travail qui s'y créent, les entreprises qui s'y développent, l'investissement dans le logement, dans la formation, je pense qu'elle se porte bien. Mais surtout, il y a eu une politique pragmatique qui connaît l'importance des places de travail pour que les gens puissent gagner leur vie", analyse Erich Fehr en jetant un regard éclairé sur sa ville.
Un socialisme qui tire vers le centre
Sur la RTS, l'homme fort de la cité seelandaise n'hésite pas à revendiquer un socialisme plus centriste qu'il ne se pratique à l'échelle nationale. "Je crois que c'est ce qu'il faut sur le plan communal. On ne navigue pas dans les mêmes sphères que la politique nationale ou internationale, les gens attendent qu'on apporte des réponses à leurs besoins et, comme personne ne détient la majorité absolue en Suisse, si vous voulez aller de l'avant, vous devez rassembler et chercher le compromis. Automatiquement, ça vous fait virer un peu vers le centre."
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En portant un regard critique sur son parti, le maire de la ville horlogère a parfois l'impression que le PS s'occupe peut-être un peu trop des minorités dans la société. "Ça ne veut pas dire qu'il ne faut pas les défendre, je suis le premier à le savoir avec la minorité francophone de la ville de Bienne (...) mais il faut aussi penser que la majeure partie des gens ont d'autres besoins auxquels il faut répondre", détaille-t-il.
De l'importance d'une main-d'œuvre qualifiée
Au moment de faire le bilan, Erich Fehr, 54 ans, estime que le fait le plus marquant de son mandat est la réalisation du Parc suisse de l'innovation, en lien avec le campus technique de la Haute école spécialisée bernoise. Selon lui, il est primordial de continuer à investir dans la main-d'oeuvre qualifiée "qui est la seule matière première que nous avons".
Pour Erich Fehr, il est exclu de parler de désindustrialisation en Suisse. "Les gens qui parlent de cela n'ont rien compris. Nous ne pouvons pas employer 9 millions de personnes dans les banques, les assurances, les organisations internationales ou l'Etat. Je suis fier d'être représentant de l'Arc jurassien, parce que c'est le noyau industriel de notre pays. La situation est certes compliquée et peut-être que la production de masse ne se fait plus ici, mais avec des places de travail qualifiées, le développement de nouvelles générations de produits, de prototypes, nous avons tous nos atouts à jouer."
Une qualité de vie qui attire
Si la ville de Bienne a longtemps souffert d'une image peu attirante, Erich Fehr estime que cela ne correspond pas à la réalité. "Bienne est une ville industrielle, mais en constante métamorphose. La qualité de vie urbaine dans un périmètre relativement petit, mais quand même moderne, vous ne la trouvez qu'ici, et cela pour deux cultures", déclare le maire.
Cette qualité de vie a notamment permis à Bienne d'attirer de nouveaux habitants, en particulier des francophones, au point de renforcer la place du français dans la ville bilingue. Aujourd'hui, un peu plus de 43% des habitants et habitantes sont de langue maternelle française. Une situation qui s'explique, selon Erich Fehr, par la pénurie de logements qui touche certaines régions romandes.
Il n'y a plus assez d'échanges entre francophones et germanophones
Au-delà du simple cas biennois, la question du bilinguisme en Suisse est très compliquée pour l'édile. "Aujourd'hui, je crois qu'il n'y a plus assez d'échanges entre francophones et germanophones. C'est un peu folklorique, mais il y a 20 ou 30 ans, les hommes se rencontraient à l'armée, il y avait un échange interlinguistique et interculturel. Les jeunes femmes faisaient une année de stage en Suisse romande et apprenaient le français. Ça, sincèrement, ça manque."
Erich Fehr remettra donc son tablier à la fin de l'année. Pour la suite, le futur ex-maire a décidé de se mettre à son compte et cherche des mandats. Il a notamment déjà repris la présidence de Jura-Trois-Lacs, "la plus grande destination touristique du pays, en nombre de mètres carrés", plaisante-t-il.
Propos recueillis par Pietro Bugnon
Article web: Jérémie Favre