"Voulez-vous que la commune de Moutier rejoigne la République et Canton du Jura?". Cette question - en apparence simple - posée aux citoyens de la cité prévôtoise doit régler une question qui enflamme la Question jurassienne depuis des lustres.
Moutier et ses quelque 7700 habitants représentent en effet une épine dans le pied du canton de Berne depuis le plébiscite du 23 juin 1974. Opposée à l'époque à la création du nouveau canton, la ville élit pourtant un maire ouvertement pro-jurassien depuis 30 ans au moins.
En novembre 2013, le Jura bernois avait refusé à 71,8% d'étudier la création d'un canton du Jura réunifié. Cultivant sa différence, la ville de Moutier avait été la seule du Jura bernois à dire oui, à 55%. Un épisode à l'origine du vote communaliste du 18 juin.
Un oui de coeur et de raison
Pour les partisans du rattachement au canton du Jura, au nombre desquels les autorités communales de Moutier, glisser un oui dans l'urne est autant une question de coeur et d'identité qu'un choix de raison. Ils mettent en avant, un plus fort soutien à la culture et au sport dans le Jura ainsi que la création de nouveaux emplois.
Pour convaincre les sceptiques, le canton du Jura a toutefois présenté une corbeille de mariée généreuse: la reconnaissance de Moutier comme pôle urbain d'intérêt cantonal, sept députés au Parlement (sur 60) et 172 postes de fonctionnaires, entre autres.
Les opposants veulent préserver les acquis
A l'inverse, les pro-Bernois mettent en avant l'incertitude liée à un changement d'appartenance cantonale. Les principales craintes concernent l'avenir du site hospitalier de Moutier, menacé selon eux par la proximité de l'hôpital de Delémont.
Même angle d'attaque pour les autorités du canton de Berne, pour qui il vaut mieux "préférer des avantages réels et des acquis à des perspectives incertaines". Celles-ci évoquent notamment l'hôpital "florissant", l'école à journée continue ou encore les emplois liés à l'appartenance cantonale.
Un vote sous haute surveillance
Au vu de l'importance de ce scrutin et à la suite d'une campagne mouvementée, plusieurs mesures rarissimes en Suisse ont été prises pour éviter des irrégularités lors du vote et en premier lieu la présence de sept observateurs de l'Office fédéral de la justice (OFJ). Ceux-ci vont suivre le déroulement du scrutin dans le local de vote.
A la veille du vote, la Ville de Moutier et l'OFJ ont encore annoncé que dix juristes supplémentaires allaient être envoyés sur place pour contrôler le dépouillement à la suite de soupçons d'irrégularités.
D'autres mesures ont été prises pour éviter toute contestation, comme la suppression du dépouillement anticipé, l'envoi des enveloppes de vote par correspondance à l'Office fédéral de la justice à Berne et le contrôle du registre des électeurs.
Didier Kottelat avec ats
Une procédure longue et complexe
Si la ville de Moutier choisit le 18 juin 2017 de rester dans le canton de Berne, la question de son appartenance cantonale sera réglée. A l'inverse, si les Prévôtois décident d'intégrer le canton du Jura, un long processus s'enclenchera.
Deux autres communes bernoises - Belprahon et Sorvilier - pourraient aussi choisir de rejoindre le Jura. La première ne votera toutefois qu'à condition que Moutier dise oui. Crémines et Grandval, qui avaient fait la même requête, ont renoncé récemment à organiser un tel scrutin sous la pression de pétitions communales.
Au terme de ces consultations populaires, les cantons de Berne et du Jura devront négocier un concordat intercantonal réglant les détails du transfert de souveraineté, le cas échéant. Ce texte devrait être soumis au Grand Conseil bernois et au Parlement jurassien dans la deuxième moitié de 2018.
Les citoyens des deux cantons cantons seront ensuite appelés aux urnes, le même jour, pour se prononcer sur ce concordat. Si le non l'emporte à Berne ou dans le Jura, Moutier et les éventuelles autres communes resteront bernoises.
En cas de double oui, le dossier sera transmis à l'Assemblée fédérale qui se prononcera par le biais d'un arrêté sur la modification territoriale. La population suisse ne serait pas appelée aux urnes, comme cela avait été la cas en mars 1996 pour le transfert de Vellerat dans le Jura.
Une énième votation devrait être organisée dans le Jura en 2020, afin de valider les modifications de la Constitution jurassienne découlant de la création d'un quatrième district.
Au final, la modification territoriale entrerait en vigueur au 1er janvier 2021, après la tenue d'élections générales incluant le nouveau corps électoral jurassien dans son ensemble à fin 2020.