Mandatée au printemps 2017 et dirigée par le conseiller aux Etats socialiste et ancien maire de Bienne Hans Stöckli, la commission d'experts a cherché à se faire une idée de l'état du bilinguisme dans le canton de Berne.
Une enquête en ligne a été menée auprès de 500 personnes issues des cinq régions administratives, et plusieurs ateliers ont été conduits avec des acteurs de terrain. La commission a présenté lundi un rapport de conclusion de cent pages à l’attention du Conseil d'Etat (Conseil-exécutif) bernois.
Les francophones se sentent mal représentés
En 2016, les francophones étaient 110'000 sur un peu plus d'un million d'habitants du canton de Berne (11% de la population). Il ressort de ce baromètre du bilinguisme qu'une majorité d'entre eux ne se sentent pas assez représentés, du point de vue linguistique, dans leurs instances cantonales. Près de 40% considèrent même que cette représentation est inexistante.
Le sentiment est particulièrement vif dans le Jura bernois, où plus de 9 habitants sur 10 déclarent avoir pour langue principale le français. Le Jura bernois est en outre, avec Bienne, une des régions où l'on utilise le plus fréquemment la deuxième langue officielle.
"Côte à côte" plus qu'"ensemble"
Une majorité de francophones jugent que l’administration cantonale accorde une attention suffisante aux deux langues, ils seraient pourtant presque tous favorables à ce qu'un quota de francophones y soit introduit. Un point de vue partagé par seulement 4 germanophones sur 10.
Sur la question du vivre-ensemble, seul un tiers des sondés considèrent que les communautés linguistiques francophone et germanophone vivent "ensemble"; près de deux tiers considèrent qu'elles vivent plutôt "côte à côte" et 8% "en confrontation". Dans le Jura bernois, 18% des sondés pensent que les communautés vivent en confrontation.
Bienne, modèle de bilinguisme
Dans son rapport, la commission rappelle la responsabilité du canton en ce qui concerne la protection de la minorité. Elle estime qu'en tant que siège de la capitale fédérale où cohabitent deux communautés linguistiques, il devrait miser sur sa spécificité pour devenir un modèle de bilinguisme.
Cela passe par une volonté politique claire et des moyens financiers importants, soulignent les experts, qui érigent Bienne en exemple ("le bilinguisme n’est véritablement visible et vécu qu’à Bienne", lit-on dans le document).
La commission relève que l’économie bernoise manque de personnel bilingue français-allemand, notamment dans les secteurs clés de la santé, de la police et de la justice, où les attentes et les besoins en matière de bilinguisme sont élevés. L’enseignement des langues officielles à l’école et durant la formation professionnelle est perfectible.
Une quarantaine de recommandations
Ce rapport "non exhaustif" contient plus d'une quarantaine de recommandations, plus ou moins stratégiques, concernant tous les pans de la vie quotidienne. Il préconise avant tout de faire du développement du bilinguisme bernois une priorité du programme gouvernemental de la législature 2019-2022. L'étude suggère également l'adoption d'une loi et la création d'un fonds cantonal de promotion du bilinguisme.
L'amélioration de l'enseignement des langues officielles est aussi présentée comme un axe prioritaire. Les experts verraient par exemple d'un bon oeil l'introduction d'échanges linguistiques obligatoires à tous les degrés de l'instruction publique ou un soutien plus actif au développement de filières bilingues à l’école.
La commission vante une série de mesures pour encourager la maîtrise d'une deuxième langue officielle lors des recrutements dans l'administration. Elle souhaiterait encore que le recours aux traductions soit plus systématique et que soient publiées des statistiques précises sur la représentation des langues officielles.
Le Conseil-exécutif bernois va désormais étudier les diverses pistes. Il devrait dire d'ici l'été prochain pour quelle stratégie il compte opter.
Pauline Turuban