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Roselyne Crausaz: "On m'a traitée de bégonia, j'ai décidé d'être un cactus"

L'invitée de La Matinale (vidéo) – Roselyne Crausaz, ancienne conseillère d’Etat fribourgeoise.
L'invitée de La Matinale (vidéo) – Roselyne Crausaz, ancienne conseillère d’Etat fribourgeoise. / La Matinale / 9 min. / le 28 mars 2019
En 1986, la Fribourgeoise Roselyne Crausaz (PDC) devenait la première conseillère d'Etat romande. Témoignage d'une pionnière, au moment où les femmes, majoritaires dans trois gouvernements cantonaux, sont toujours sous-représentées.

En Suisse romande, la "révolution" a eu lieu le 8 décembre 1986. La PDC Roselyne Crausaz, seule femme en lice à briguer le Conseil d’Etat fribourgeois, est élue au second tour en deuxième position. Plus qu'une victoire, son élection est un symbole: elle est la première femme à entrer au gouvernement fribourgeois, la première conseillère d'Etat romande, et enfin la première ministre démocrate-chrétienne de Suisse.

"Etre une femme était à la fois un handicap et un avantage", se souvient la Fribougeoise, qui était à l'époque l'étoile montante de son parti, dans La Matinale de la RTS. Sur l'échiquier politique, la situation était complexe. "D'un côté, j'ai bénéficié du soutien très fort d'une majorité du PDC, toutes générations confondues. Mais d'un autre côté, mes détracteurs étaient déjà très actifs à l'époque. Certains ne voulaient pas me voir figurer sur la liste. Il y a eu des intrigues", raconte-t-elle. Y compris dans les rangs de son propre parti. "Certains pontes du PDC voyaient en moi un faire-valoir."

"Nous avons dû encaisser, prouver des choses"

Les attaques contre Roselyne Crausaz fusent, sur le terrain comme dans la presse. Un journaliste de La Gruyère la qualifie de "joli bégonia". Qu'à cela ne tienne, rétorque-t-elle intérieurement: "J'ai décidé de ne pas être un bégonia, mais un cactus", s'amuse-t-elle.

Elue, son chemin de pionnière sera pavé de difficultés, tout comme l'ont été celui de la ministre zurichoise Hedi Lang (PS) élue trois ans avant elle, et de la conseillère fédérale Elisabeth Kopp (PLR) élue deux ans auparavant. "Nous avions des caractères forts, envie de rendre service à notre canton ou pays, nous étions consciencieuses et dynamiques. Mais on a dû encaisser des suspicions, prouver beaucoup de choses."

L'ex-ministre, aujourd'hui retirée de la politique mais toujours active, se réjouit que les femmes soient désormais majoritaires dans trois exécutifs cantonaux - Vaud, Thurgovie et surtout Zurich "où elles proviennent de partis différents." "Mais l'égalité ne sera vraiment atteinte que lorsque cette situation n'interpellera plus", souligne-t-elle.

"La modestie des femmes, un problème d'éducation"

A son époque, relève l'ancienne élue, les partis peinaient à recruter des femmes sur leurs listes. "Lorsque j'étais présidente du PDC de la Ville de Fribourg, nous avions de nombreuses femmes brillantes. Or, toutes doutaient d'elles-mêmes, de leurs compétences. Les messieurs, jamais." Une situation qui n'a que peu changé, observe Roselyne Crausaz. "Les femmes sont encore aujourd'hui trop modestes. Je pense que c'est un problème d'éducation."

Pionnière et féministe, la retraitée choie également l'aspect intergénérationnel. "Je salue les initiatives actuelles des jeunes sur le climat. Mais ils ne doivent pas être seuls dans cette lutte. J'ai toujours préconisé que la thématique de l'environnement soit portée par l'ensemble des partis et des générations", affirme-t-elle encore.

Propos recueillis par Elisabeth Logean

Adaptation web: Katharina Kubicek

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