Le verdict du Tribunal fédéral est tombé il y a un mois et il a plombé le moral de Festim, un jeune joueur amateur âgé de 21 ans. Dans son arrêt du 5 mars, la plus haute juridiction du pays confirme la condamnation du Fribourgeois à du travail d’intérêt général avec sursis pour lésions corporelles par négligence.
"Je vais me forcer à jouer les derniers matches de la saison. Mais à 99%, je sais que je ne pourrai pas continuer le foot. Le coeur n'y est plus", confie Festim au 19h30, qui ne s’était jamais exprimé sur cette affaire.
Cheville de l'adversaire brisée
Les faits incriminés remontent au 7 mai 2016. Ce jour-là, le FC Richemont reçoit le SC Guin sur le terrain du Guintzet à Fribourg dans un match comptant pour le championnat de Junior A.
Vers la quinzième minute de jeu, Festim veut récupérer le ballon. Il effectue un tacle à environ 10-15 centimètres du sol et brise la cheville d’un adversaire, un joueur âgé de 18 ans, comme lui. Festim écope d’un carton jaune. Quant au joueur blessé, il est conduit à l’hôpital.
La police le convoque
Deux mois plus tard, le joueur blessé dépose une plainte pénale. Festim est convoqué par la police pour s'expliquer. Le 29 mars 2017, dans une ordonnance pénale, le procureur Marc Bugnon le reconnaît coupable de lésions corporelles par négligence: "par son engagement, Festim a concrètement mis en danger l’intégrité physique de son adversaire et a causé un risque qui ne peut être qualifié d’inhérent à la pratique du football".
Festim décide de contester cette décision. Elle sera pourtant confirmée par le juge de police de la Sarine, le Tribunal cantonal et enfin le Tribunal fédéral, qui écrit dans son arrêt que "Festim a violé son devoir de prudence. La violation du devoir de prudence était fautive puisque Festim a procédé au tacle litigieux sans égard pour les conséquences qui pourraient en résulter pour son adversaire."
Jouer, une souffrance
Définitivement condamné, Festim accuse le coup. Il répète qu’il n’a jamais voulu blesser son adversaire et qu'il voulait simplement jouer le ballon. "Aujourd'hui, rentrer sur le terrain est presque devenu une souffrance. La motivation n’est plus là. A quoi bon continuer de jouer si je ne prends plus de plaisir ?"
Trois ans après les faits, Festim regrette, bien sûr, d’avoir brisé la cheville et la carrière de son adversaire. Mais il ne comprend pas que ce dernier ait déposé une plainte pénale. "Je n’arrive toujours pas à comprendre et je ne sais pas si j’arriverai à comprendre un jour. Pour moi, être victime d'une faute qui conduit à une blessure, ça fait partie du risque d’un footballeur", estime-t-il.
Comportements dangereux
Le Tribunal fédéral ne partage pas cet avis. Dans son arrêt, il explique qu'un joueur accepte tacitement les risques inhérents à la pratique du football, mais que cela "ne couvre pas les comportements dangereux adoptés par les autres joueurs".
Cette décision du Tribunal fédéral fait réagir au sein de l’Association cantonale fribourgeoise de football. Son président craint qu'elle ne fasse boule de neige. "Avec cette décision, je ne sais pas s’il va être possible de continuer de jouer au foot", déclare Benoît Spicher au 19h30. Il se demande si les plaintes pénales vont désormais se multiplier après chaque week-end de foot. "On dit souvent qu'une partie de foot est le miroir de la société. A l'évidence, quand un événement se produit, il faut à tout prix lui trouver un responsable. J'avoue que ça m'inquiète", dit-il.
Pour Stéphanie Neuhaus-Descuves, avocate du joueur dont la cheville a été brisée, le risque de judiciarisation du sport est un faux débat. Selon elle, le cas de son client serait isolé. "Il est largement peu probable que tous les lundis, dorénavant, il y ait des plaintes pénales déposées en nombre. Il n'y a pas chaque week-end des matches avec des fautes si grossières que celle subie par mon client. Il n'y a heureusement pas non plus des fautes avec des lésions aussi graves", affirme Me Neuhaus-Descuves.
Fabiano Citroni