Dans la Broye fribourgeoise, des pigeons voyageurs se préparent à la course

Quand on arrive près du colombier de Jean-Pierre Nell, ce ne sont pas des roucoulements que l'on entend mais les aboiements de Nora, le chien de garde. "Oui, Nora protège les pigeons, le chien peut se faufiler sous le colombier entre la terre et la cage pour chasser les fouines et les chats qui tenteraient de s'y introduire", explique le colombophile au micro de la RTS.

Les volatiles de Jean-Pierre n'ont rien à voir avec les pigeons des villes qui viennent grappiller quelques miettes sur les terrasses des restaurants. Ceux-là sont de véritables athlètes. "On commence d'abord avec un parcours de quelques kilomètres, puis dix, puis trente avant de lâcher l'oiseau à plusieurs centaines de kilomètres. Le pigeon n'a qu'un but, rentrer là où il est né."

Jean-Pierre élève donc lui-même ses oisillons, car en achetant un pigeon adulte, il y a de fortes chances qu'il rentre chez lui.

La technique du veuvage

"Pour que les oiseaux rentrent plus vite, les femelles et les mâles sont séparés et lorsqu'ils reviennent de vol, ils peuvent se retrouver pendant une à deux heures, c'est la technique du veuvage, c'est un peu la récompense", explique Jean-Pierre.

Les couples de pigeons restent monogames durant toute leur vie et entretiennent un lien fort avec leur partenaire.

Ils sont très affectés par une séparation de leur partenaire et essaient de revenir auprès de lui aussi vite que possible. Si des poussins les attendent au nid pour boire le lait de jabot, le désir de retourner au pigeonnier est encore plus fort.

890 km de course

Des championnats sont régulièrement organisés pour maintenir les capacités de vol et d’orientation des oiseaux. La saison des courses débutera au mois de mai et une dizaine ont lieu en Suisse entre mai et juillet.

Les pigeons sont équipés d'une bague avec une puce électronique à la patte, ce qui permet de calculer la distance parcourue entre le lâcher et le retour au colombier, mais aussi la vitesse de vol. Le vainqueur sera ainsi désigné, alors que les éleveurs et les parieurs seront récompensés.

"Le grand concours, au départ de Barcelone, en Espagne, est mondialement réputé. En 2020, il y avait environ 16'000 pigeons lâchés", raconte Jean-Pierre, mais pour être coté, le pigeon doit faire au moins 890 kilomètres. Le gagnant arrive en soirée dans son pigeonnier et celui qui remporte cette course peut facilement être vendu 250'000 euros.

Des pigeons dans l'armée suisse

Ce sens de l'orientation unique et cette endurance hors norme ont toujours fasciné les hommes.

La victoire de la bataille de Waterloo en 1815, qui a été annoncée en Grande-Bretagne au moyen d'un pigeon, ou les débuts de l’agence de presse Reuters, qui a démarré son service de presse avec des pigeons voyageurs, sont deux exemples du rôle qu'ont joué ces oiseaux dans l'Histoire.

L'armée suisse a eu, elle aussi, de 1917 à 1996 un service de pigeons voyageurs. Le SAHP, Swiss Army Homing Pigeons, cantonné à Schönbühl (BE), comptait jusqu'à 7000 recrues et 23'000 pigeons civils étaient prêtés un mois par an.

>>> Regardez ce reportage du Télé Journal du 26 décembre 1994, le journaliste Gilbert Rossion annonce la fin du SAHP

Dans le viseur de la protection suisse des animaux

Aujourd'hui, le pigeon voyageur n'a plus le rôle de messager. La colombophilie est devenue un passe-temps. Mais les courses ne sont pas sans risque: attaque de rapace, mauvaises conditions météorologique, collisions avec des lignes à haute tension. Certains oiseaux ne retrouveront jamais leur chemin en raison des ondes qui balaient le territoire et qui perturbent le sens de l’orientation des pigeons.

La colombophilie est ainsi dans le viseur de la Protection suisse des animaux, qui dénonce un transport "trop long et stressant vers les lieux où les pigeons sont lâchés". "Les pigeons doivent végéter pendant 15 heures parfois dans les caisses de transport, suivant le lieu de départ de la compétition."

L'association des colombophiles suisse assure de son côté que les 400 éleveurs respectent le bien-être des animaux. Et lorsque les conditions météo sont mauvaises, les courses sont annulées.

Fabrice Gaudiano / Katia Bitsch