Ce Master en médecine (diplôme délivré après six ans d'études universitaires) a été désiré et arraché au forceps par les autorités fribourgeoises, qui ont débloqué 33 millions de francs pour livrer un nouveau bâtiment et rendre la formation possible. Comme elle est bilingue, les étudiants et étudiantes viennent des quatre coins de la Suisse.
L'objectif est de faire de l'Université de Fribourg LA filière nationale en médecine générale et de famille, alors que, dans le canton, les centres et cabinets médicaux ferment les uns après les autres, faute de relève. Tant est si bien que le canton compte environ cinq généralistes pour 10'000 habitants, contre sept en moyenne nationale, et même 13 à Genève.
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Les urgences saturées faute de généralistes
Or, cinq médecins de famille pour 10'000 habitants, ça n'est pas assez. Résultat: les urgences de l'Hôpital fribourgeois sont saturées. Mais Marc Devaud, directeur de l'Hôpital fribourgeois, garde espoir. "Ils ont un Master en médecine: ce n'est encore pas dit qu'ils fassent de la médecine de famille, mais c'est ce qu'on aimerait, ou en tout cas, qu'un maximum d'entre eux le fasse! Si on a déjà 20 à 25% [des étudiants qui choisissent la médecine générale], ce serait une victoire", a-t-il confié vendredi dans La Matinale de la RTS.
"Je suis convaincue qu'un certain nombre de nos diplômés vont rester ou revenir dans le canton de Fribourg", affirme pour sa part la rectrice de l'Université de Fribourg Astrid Epiney.
Cette nouvelle formation fait donc partie de la solution, mais elle ne suffira pas. Pour combler le manque de médecins de famille dans le canton, il va falloir rendre la profession plus attractive. L'Etat et les communes vont devoir faire preuve d'inventivité et prendre des initiatives, y compris financières, pour attirer les jeunes généralistes sur territoire fribourgeois.
Sujets radio: Fabrice Gaudiano, Maria Blasco, Romain Carrupt
Adaptation web: Vincent Cherpillod
Pas d'amélioration avant 2040 sur le front de la pénurie
Sur le terrain, si le nombre de diplômés progresse, il devrait encore manquer 1000 médecins de famille d’ici 2030 et la situation ne devrait pas s'améliorer avant 2040. Aujourd’hui, plus d'un généraliste sur trois a plus de 60 ans et près d'un sur cinq est déjà à l'âge de la retraite. Nombre d'entre eux n'ont pas de successeur.
Résultat: il est de plus en plus difficile de trouver un nouveau médecin. La majorité des généralistes en place n'acceptent pas de nouveaux patients. Selon une enquête de la FRC réalisée l'an dernier, il faut au moins trois téléphones pour décrocher un rendez-vous dans la campagne genevoise ou au Locle, six dans la Vallée de Joux, treize à Yverdon-les-Bains ou encore vingt à Martigny. Et la palme revient à Fribourg avec une trentaine d'appels.
Partout, les délais d'attente peuvent être longs. La situation est d'autant plus préoccupante que le modèle d’assurance maladie avec médecin de famille, qui permet de faire des économies de primes en consultant en premier lieu son généraliste avant un spécialiste, est plébiscité par plus de quatre millions d'assurés.
Deux mesures pour renforcer l'attractivité du métier
Pour le responsable santé à la Fédération romande des consommateurs Yannis Papadaniel, si la réactivation de cette filière fribourgeoise est à saluer, elle n'est pas suffisante. Il a proposé dans La Matinale deux mesures pour remédier au manque de généralistes.
"Dans les cabinets, notre solution serait de favoriser l'interprofessionnalité, pour que les médecins ne soient pas les seuls à mener des consultations, mais qu'il y ait par exemple des assistants médicaux qui puissent prendre en charge un certain nombre de gestes. Ils le font déjà, mais il manque certaines bases pour qu'ils puissent en faire davantage", estime-t-il.
Autre solution, l'incitation financière: "La dernière mesure possible serait d'avoir une valeur du point tarifaire différenciée entre généralistes et spécialistes. Si elle était supérieure pour les généralistes, on pourrait améliorer leur rémunération, qui est, on le sait bien, plus basse que celle des spécialistes", fait-il remarquer.