Pascal Corminboeuf: "Les familles sont beaucoup plus souples que l'administration" avec les réfugiés
L’association Osons l’accueil a permis ces derniers mois de soutenir l’accueil d'Ukrainiennes et d'Ukrainiens chez les privés, en collaboration avec le canton de Fribourg. Sur les presque 3000 places à disposition, 2000 sont actuellement occupées grâce à l’association.
Invité lundi de La Matinale de la RTS, Pascal Corminboeuf, membre cofondateur d’Osons l’accueil, dresse un bilan plutôt réjouissant après cinq mois. "Globalement, on peut dire que la Suisse a montré une solidarité réjouissante, et cela montre que ce pays est un pays d'accueil et un pays solidaire", dit-il.
Dans le canton de Fribourg, quelque 150 familles sont encore en attente d'accueillir des réfugiés, précise l'ancien conseiller d'Etat. "On a assisté à un bel exemple du fait que les familles sont beaucoup plus souples que l'administration fédérale. Celle-ci préfère de loin avoir des réfugiés sous contrôle dans des centres, parce qu'elle contrôle tout. Mais la population, elle, est beaucoup plus accueillante et les procédures sont beaucoup plus simples".
Pascal Corminboeuf se félicite, justement, de toutes les initiatives privées depuis février dernier. "C'est tout un réseau qui s'est créé, c'est ce qui fait que ce pays est solidaire contrairement à ce qu'on veut nous faire croire".
Ce ne sont pas des sacs de patates, ce sont des personnes qui ont besoin de nous!
A propos de la récente valse-hésitation de la Suisse face à l'accueil de blessés de guerre ukrainiens, l'ancien politicien se dit choqué "d'entendre dire que (…) si c'est l'Otan qui demande, on ne les prend pas, si c'est l'ambassadeur [d'Ukraine], on les prend".
>> Lire : La Suisse refuse d'accueillir des soldats et des civils ukrainiens blessés
"Mais ce ne sont pas des sacs de patates!", s'exclame-t-il. "Ce sont des personnes qui ont besoin de nous. Et cela montre encore une fois l'absence de politique d'accueil en Suisse. C'est uniquement un jeu de politique économique (…) Et ce n'est pas ça mon pays. Mon pays est un pays d'accueil".
Plus globalement, en matière de migrations, la Suisse a fait savoir il y a quelques jours à la Commission européenne qu’elle ne s’engagera pas sur de nouvelles offres d’accueil. Bruxelles avait invité les pays Schengen à prendre leur part face aux pays du sud de l’UE et à l’arrivée de migrants par la Méditerranée.
On avait oublié qu'entre les bras et les jambes il y a un coeur, un corps et une tête.
"Ce genre de réaction est désespérant", réagit Pascal Corminboeuf, "parce que ce pays a besoin de main d'oeuvre. Il y a une partie de ce qui est l'officialité suisse qui envisage des charters pour renvoyer des gens au Maghreb ou ailleurs, et il y a Economiesuisse qui dit qu'il faudra aller chercher des gens, justement, dans ces mêmes pays parce qu'on aura besoin de bras", déplore-t-il.
"On recommence tout ce qu'on a fait avec les saisonniers", ajoute le cofondateur d'Osons l'accueil. "On avait oublié à l'époque qu'entre les bras et les jambes, il y a un coeur, un corps et une tête. On prend ces êtres humains comme des gens qui seraient simplement des numéros, qui viendraient nous aider dans notre économie, au lieu de les intégrer".
Or, souligne l'ancien conseiller d'Etat, "on a vu avec Osons l'accueil que tous les jeunes qui ont fait un apprentissage sont des gens qui rendent service à ce pays et qui s'intègrent facilement, parce qu'ils ont la volonté de s'intégrer. C'est regrettable qu'on perde toutes ces forces de travail qui sont prêtes à nous aider et qui sont déjà chez nous".
Les réfugiés, c'est comme les pommes. Si on les entasse, ils pourrissent.
Pascal Corminboeuf défend une fois encore son regard critique sur la politique migratoire de la Suisse. "Je me rappelle toujours d'une conférence de Peter Arbenz, qui était Monsieur réfugiés à l'époque, et qui avait dit: 'Le grand problème de la Suisse est qu'elle n'a jamais eu de politique migratoire'. Elle intervient toujours au coup par coup. Cela permet d'aller une fois dans un sens, une fois dans l'autre. Et le peuple ne comprend pas avec le populisme qui vient par-dessus".
Dans un ultime cri du coeur, il souligne encore que "les réfugiés, c'est comme les pommes. Si on les entasse, ils pourrissent". C'est le cas en "les parquant dans des containers ou d'anciens bureaux. L'intégration se fait dans les familles, les villages, les villes, les sociétés".
Propos recueillis par Aleksandra Planinic/oang
Des bureaux pour accueillir des réfugiés à Genève
A Genève, plusieurs centaines de réfugiés ukrainiens pourront bientôt habiter dans des bureaux. Le canton avait annoncé vouloir transformer des locaux vides en logements d'urgence temporaires et avait lancé un appel aux entreprises.
Cette démarche a abouti, comme l'a révélé la directrice de l'Aide aux migrants à l'Hospice général de Genève lundi dans La Matinale de la RTS.
"Des plateaux de bureaux vont accueillir des chambres individuelles, des sanitaires communs et des sortes de petites kitchenettes pour que les gens puissent se préparer des repas", a précisé Ariane Daniel Merkelbach.
"On a un certain nombre de ces plateaux de bureaux en prévision", a-t-elle encore ajouté. "Pour l'instant, on a reçu des autorisations pour en développer trois, qui seront disponibles entre fin septembre et octobre pour un total de 730 places".
Genève va cependant conserver en l'état son centre de premier accueil de Palexo.