"On peut tous faire des fautes, mais on peut être pardonné. Si nous-mêmes donnons le pardon, c'est la plus grande chose qui peut nous arriver."
Daniel Pittet en est convaincu, pour lui, le pardon est un précepte religieux mais aussi un précepte de vie.
Abusé par un prêtre de ses 9 à ses 13 ans, ce fervent catholique aurait pu tourner le dos à l'Église. Au contraire, il décide, 50 ans plus tard, de servir cette même institution.
"J'ai toujours pensé qu'il y avait l'Église des hommes et l'Église du ciel de Dieu", assure-t-il, ému. Ce samedi 23 septembre, à l'église Saint-Pierre de Fribourg, il a été solennellement ordonné diacre (ndlr, homme qui assiste le prêtre ou l'évêque pendant la messe, notamment).
Témoigner
Ce sacrement fait de lui un homme de Dieu, même s'il est vu par certains comme une figure dérangeante.
Daniel Pittet dénonce les cas d'abus depuis de nombreuses années. En 2017, il publie "Mon Père, je vous pardonne... survivre à une enfance brisée" dans lequel il raconte son enfance chaotique et les viols que lui a fait subir un prêtre capucin.
Aujourd'hui, l'Église promet des mesures face aux abus restés impunis. Elle a donc besoin de lui.
L'institution lui a donné "un ministère, pour être encore plus auprès de ceux dont il se sent solidaire", estime Martial Python, père spirituel du séminaire diocésain de Sion, présent ce jour-là.
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Blessures à vie
L'homme de foi a désormais pardonné, mais ces années d'enfance durant lesquelles il a vécu l'horreur laissent des cicatrices. Daniel Pittet l'admet volontiers, il se demandait s'il serait capable un jour de fonder une famille.
Quand il rencontre sa future épouse, il lui confie: "j'ai été violé plusieurs centaines de fois par un prêtre". Ses craintes, il en parle au psychiatre qu'il connaît depuis 20 ans. Au bout d'une vingtaine de séances, ce dernier le rassure: "vous n'êtes pas un violeur."
Son épouse Valérie et lui auront 6 enfants. "Elle m'a dit: 'tu les langeras'", raconte le soixantenaire. "Je suis la meilleure maman du monde maintenant", plaisante-t-il.
Écouter les victimes
Celui qui porte dans sa chair la fragilité des enfants abusés veut plus que tout aider à libérer la parole. A ses côtés, son épouse l'aide dans ce lourd travail.
Pour moi, c’est comme un grand frère qui m’a montré le chemin.
En partageant son vécu, cette autre victime se sent aussi "moins seule" et "ose dire des choses" qu'elle n'arrivait pas encore à exprimer.
A 64 ans, Daniel Pittet n'a de loin pas terminé sa mission, désormais comme diacre, aux côtés des victimes, mais aussi comme auteur. Il la poursuit avec la publication d'un troisième ouvrage dédié aux abuseurs cette fois-ci.
Sujet TV: Carine Regidor
Adaptation web: Doreen Enssle