L'ancien évêque Bernard Genoud accusé d'actes d'ordre sexuel sur une femme de 19 ans
Mgr Charles Morerod, successeur de Bernard Genoud à la tête du diocèse, a convié la presse lundi à Fribourg pour divulguer un cas qui donne une dimension inédite aux affaires d'abus dans l'Eglise. La victime, en proie à une "grande souffrance", a souhaité conserver l'anonymat, y compris sur la période où les faits se sont déroulés.
Charles Morerod a lancé un appel à témoins après avoir reçu le témoignage d'une femme ayant subi des actes d'ordre sexuel par Bernard Genoud (1942-2010). Les faits remontent à l'époque où ce dernier était professeur de philosophie au Collège du Sud. La victime a parlé à Mgr Morerod une première fois le 1er décembre dernier.
Invité lundi en direct dans l’émission de Forum, Charles Morerod explique sa stupéfaction face à ces révélations : "Quand cette personne me l’a dit, le ciel m’est tombé dessus".
Ami des parents
La femme était une étudiante de Bernard Genoud au Collège du Sud. Lorsqu'elle est allée se confier au prêtre, ami de ses parents, elle avait déjà été victime d'autres abus dans son enfance, hors église. "Mgr Genoud a profité d'une situation d'emprise", a indiqué Charles Morerod. Les actes se sont répétés, à plusieurs endroits aussi.
En déposant auprès de Mgr Morerod, lui-même ancien élève de Bernard Genoud à Bulle, la victime a affirmé "s'être libérée d'un lourd poids", a relevé l'évêque, qui revient d'une convalescence. "Même si la démarche lui est très douloureuse à entreprendre". Charles Morerod a demandé que sa volonté de discrétion soit respectée.
Ordonné prêtre en 1968, Bernard Genoud a enseigné au Collège du Sud de 1976 à 1994, ainsi qu'à l'Ecole de la foi (Fribourg) de 1975 à 2006. Il a également enseigné et été aumônier à l'Ecole normale cantonale de Fribourg de 1972 à 1975, au Collège St-Michel de 1975 à 1977 et à l'Université populaire du canton de Fribourg de 1976 à 1994.
Victimes potentielles
Bernard Genoud a encore exercé à l'Université de Fribourg entre 1996 et 1999. Ensuite, il a fonctionné en qualité d'évêque du diocèse de 1999 à 2010, année de son décès. Une longue liste qui pourrait délivrer certaines victimes potentielles, sachant que l'objectif consiste à "libérer la vérité", a précisé Mgr Charles Morerod.
J'avais constaté qu'il entretenait des contacts avec des étudiantes et d'anciennes étudiantes, sans imaginer alors que la situation puisse aller plus loin
Quant à savoir s’il y a d’autres cas, Charles Morerod affirme l'ignorer. "Il faut parfois des décennies aux victimes pour se déclarer", souligne-t-il.
Mgr Genoud n'est plus là pour s'expliquer. "Mais il appartient à l'Eglise de ne pas laisser sans réponse les souffrances des victimes", a ajouté l'évêque, le diocèse mentionnant des personnes "écrasées sous le poids d'un silence insupportable".
Charles Morerod a par ailleurs indiqué dans le 19h30 de la RTS que malgré sa proximité avec Mgr Genoud, il n’a jamais eu de soupçon. Au contraire, il trouvait "très bien" qu’il ait des relations proches avec des étudiants, "parce qu’il n’y a pas de raison que les jeunes femmes ne puissent pas rencontrer un prêtre", explique-t-il.
Le témoignage dévoilé lundi apporte une vision nouvelle. Il fait suite à la publication, le 12 septembre, d'une étude de l'Université de Zurich sur le sujet.
>> Relire : Mille situations d'abus sexuels documentées dans l'Eglise catholique en Suisse
"Urgence vitale"
Celle-ci a identifié plus de 1000 cas d'abus sexuels dans l'Eglise catholique en Suisse depuis le milieu du siècle dernier, commis par plus de 500 suspects. "Vu son état désastreux, je crois ce que la victime m'a dit", a insisté Charles Morerod. La dépendance s'est déployée sur plusieurs années, avec une relation asymétrique.
Le cas éclaire l'attitude de Bernard Genoud. L'évêque actuel a déjà rencontré une soixantaine de victimes. La libération de la parole montre qu'il importe de faire "confiance" pour témoigner de ce qu'on a subi soi-même. "J'ai senti une urgence vitale", a-t-il décrit au sujet de la femme qui vient de franchir le pas.
Selon Charles Morerod, l'Eglise peut encore se relever, mais il imagine "une Eglise probablement plus pauvre et plus petite. Finalement, ce serait quelque chose de plus évangélique", affirme-t-il.
ats/vajo/miro