Claude Ducarroz: C'est à l'Eglise d'"assumer collectivement les dégâts de Bernard Genoud"
C'est avec "une très grande tristesse pour la victime" que Claude Ducarroz a appris que son ancien collègue était accusé d'abus sexuels. Mais aussi avec une "très grande surprise". Pour lui, cet homme, qu'il a qualifié de "plutôt conservateur dans le domaine doctrinal" et de "charmeur" a fait le bien et il ne faut pas le lui enlever. "Il faut reconnaître qu'il a fait beaucoup de bien. Ça, ça reste [...] Il ne faut jamais réduire qui que ce soit à l'erreur ou à la faute qu'il a pu commettre", a-t-il lancé au micro de la RTS, précisant qu'être charmeur n'est "pas un vice".
>> A ce sujet, lire : L'ancien évêque Bernard Genoud accusé d'actes d'ordre sexuel sur une femme de 19 ans
Celui qui a été prévôt de la Cathédrale de Fribourg de 2004 à 2017 lui en veut toutefois sur une chose: avoir accepté le titre d'évêque en sachant ce qu'il a fait. "On n'est pas obligé de devenir évêque. On peut aussi dire non", regrette-t-il. "Lui, il savait... C'est lui qui a dit oui!"
Bernard Genoud a été ordonné évêque en 1999, après avoir enseigné au Collège du Sud à Bulle entre 1976 et 1994, période sur laquelle porte l'accusation d'actes sexuels répétés.
"Corriger" l'Eglise
Claude Ducarroz voit cette acceptation de titre comme une trahison. "C'est là qu'il y a du cléricalisme: faire passer des propositions d'honneur ou de pouvoir avant sa responsabilité auprès des gens vers lesquels nous sommes envoyés", dénonce-t-il. "Il y a là quelque chose qu'il faut absolument corriger dans l'Eglise. J'espère que le Synode le fera."
L'ancien prévôt de la Cathédrale de Fribourg souhaiterait encore que plus de place soit donnée aux femmes dans l'Eglise. "Il est temps que les femmes prennent toute leur responsabilité dans l'Eglise. Ça doit nous aider. Je leur dis d'avance merci", lance-t-il.
Il considère encore que l'Eglise doit être transparente et soutenir les victimes. Et cela, Charles Morerod, l'évêque qui a révélé les accusations sur Bernard Genoud, l'a compris. "Je salue l'attitude de notre évêque actuel qui joue la transparence et le juste soutien aux victimes qui peuvent ainsi s'exprimer. Je crois que c'est le bon chemin dans ces tristes circonstances", félicite l'invité de la RTS.
"Il faut continuer dans la ligne de la transparence et du soutien aux victimes et puis transformer l'Eglise et collaborer", résume-t-il.
>> Pour aller plus loin, lire : De nombreux fidèles ont quitté l'Eglise catholique en Suisse après les révélations d'abus sexuels
"Nous sommes victimes"
Enfin, pour Claude Ducarroz, accepter un tel rôle met l'Eglise en péril. "Je suis un peu en colère, pas contre lui personnellement, mais aussi contre d'autres, qui, sachant leur passé, acceptent de telles responsabilités en mettant ainsi en péril l'Eglise et sa mission évangélique."
A cause de ce comportement, l'Eglise et ses fidèles sont sanctionnés, estime-t-il. C'est "l'Eglise, nous, qui sommes victimes du fait qu'après avoir commis ce qu'il a fait, si j'en crois les déclarations, il a pu devenir évêque".
"Maintenant, nous devons, nous et l'Eglise, assumer collectivement ses dégâts", regrette-t-il encore.
>> Lire aussi : Mille situations d'abus sexuels documentées dans l'Eglise catholique en Suisse
Propos recueillis par: Valérie Hauert
Adaptation web: juma
Un ancien enseignant "choqué" par les accusations portant sur son ancien collègue
C'est la première fois qu'une personnalité de ce rang est visée. L'étonnement est à son comble pour ceux qui l'ont côtoyé.
François Piccand, chef de service du Secondaire 2 dans le canton de Fribourg, se dit stupéfait par ces révélations. "Totalement surpris et choqué. C'était un enseignant avec beaucoup d'expérience, avec une aura dans l'école et une personnalité très riche qui faisait réfléchir les élèves", décrit-il dans la Matinale mardi.