Fribourg est en proie à une montée de mécontentement, alimentée par des frustrations liées à la circulation. Les récentes limitations de vitesse à 30 km/h dans une grande partie de la ville, la réduction des places de stationnement et une série de travaux routiers, menés parfois simultanément et au pas de charge, y sont jugés comme brusques.
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Dans le canton, de nombreux pendulaires favorisent l’usage de la voiture individuelle, à tel point que plusieurs d'entre eux n’hésitent pas à déménager.
"Pour des raisons de circulation et de parcage limité à une demi-heure près de notre bâtiment, nous avons décidé de déplacer nos bureaux hors du centre-ville", explique Ludovic Egger, notaire associé, mercredi dans La Matinale. Il exprime également sa satisfaction, car malgré les doutes initiaux sur le fait que la clientèle suivrait ou non, il affirme que "nous n’avons reçu que des retours positifs".
Daniel Savary, membre du comité directeur du parti cantonal des Vert/Libéraux et propriétaire d’un établissement public en ville, est l’un des principaux détracteurs de la gestion actuelle de la circulation. Selon lui, "la succession de politique maladroite, de visions dogmatiques a fait perdre à la ville de son attractivité". Il exhorte les autorités et les décideurs à "se réveiller" et à se donner les moyens de réussir.
Le syndic de Fribourg face aux critiques
Mais face à ces critiques, le syndic de la Ville de Fribourg, Thierry Steiert, rappelle que plusieurs entreprises ont au contraire décidé de s'installer dans la ville, estimant que Fribourg dispose d'une "excellente accessibilité".
"Nous avons récemment eu le plaisir d'apprendre que Swiss Marketing Group va venir s'installer en plein centre-ville de Fribourg", indique-t-il dans l'émission Forum mercredi soir, en ajoutant que "l'Institution Suisse des Droits de l'Homme vient de s'installer".
Thierry Steiert ne croît pas non plus que les restrictions sur la voiture expliquent le manque à gagner de tous les commerçants. Pour lui, "ça dépend des commerçants". Il cite l'un d'entre eux qui dit avoir perdu du chiffre d'affaires à cause de cette politique de mobilité, mais qui refuse les paiements par carte bancaire ou Twint... "Il faut peut-être se poser des questions sur son mode de commerce", lance le syndic de la Ville.
Bulle est de plus en plus attractive
Située à une trentaine de kilomètres du chef-lieu, Bulle attire tous les superlatifs. L'implantation de Rolex et de ses 2000 emplois est un ajout majeur pour cette ville déjà en plein essor. La population y a doublé au cours des 20 dernières années et la création d’emplois a augmenté de 20% en 10 ans.
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En comparaison, la croissance à Fribourg a été deux fois moins importante, principalement en raison du manque de terrains disponibles pour le développement économique. La capitale espérait résoudre en partie ce problème avec la fusion du grand Fribourg, mais la population de la périphérie a coulé le projet.
Par ailleurs, les commerçants et restaurateurs déplorent une perte d’attractivité, certains signalant une baisse de chiffre d’affaires allant jusqu’à 30%.
Une ville de gauche
Mais si la politique de gauche fâche dans le canton, en ville depuis près de 20 ans, elle trouve une majorité qui est reconduite.
Selon Nicolas Hayoz, professeur de sciences politiques à l’Université de Fribourg, la ville ne devrait pas se satisfaire de contenter sa population locale, "elle devrait rayonner (...) comme une capitale" sur le reste du canton, ce qui pose des questions, car cela “fonctionne de moins en moins bien”.
Louis Ruffieux, ancien rédacteur en chef de La Liberté, pense que Fribourg doit améliorer son hospitalité. "La ville n’a pas un mandat formel de plaire au reste du canton", mais il précise que "les visiteurs n’ont pas toujours le sentiment d’être les bienvenus", surtout s’ils doivent s'y rendre en voiture.
Il évoque également "un entre-soi idéologique" qui n’est pas toujours compatible avec la notion d’une ville ouverte et accueillante.
Une capitale doit servir d'exemple
Selon David Kaufmann, professeur de politique urbaine à l'école polytechnique de Zurich, une capitale cantonale doit servir d’exemple. Il affirme qu'une "ville doit résoudre ses propres problèmes pour mettre en place un futur durable”. Il note que Fribourg tente de mener une politique progressiste, comme on peut le voir dans de nombreuses villes européennes ou suisses.
"De nombreuses avancées politiques naissent dans les villes. Fribourg en fait beaucoup, mais ce n'est pas non plus un cas extrême", ajoute-t-il.
Si son rôle est d'abriter l'administration ou de faire entrer son canton dans une nouvelle ère, Fribourg marque donc un point. En revanche, Bulle est plus florissante économiquement. De quoi rappeler une structure bien helvétique, avec une capitale politique à Berne et une capitale économique à Zurich.
Sujets radio: Muriel Ballaman et Valentin Emery
Adaptation web: Miroslav Mares / juma