"Le tea-room est fermé pour des raisons techniques." La notification affichée le 4 juin devant le nouvel établissement que l'ancienne star des pâtissiers Phillipe Guignard a ouvert en 2022 à Bulle, dans le canton de Fribourg, ne passe pas inaperçue.
Descente de police
L'avant-veille, la police cantonale fribourgeoise est intervenue dans les locaux pour faire fermer l'espace de consommation réservé au public. Il s'agit d'une mesure provisoire prononcée par la police du commerce, faute d'exploitant officiel. Le dernier gérant en date a retiré sa patente le 8 mai, quelques semaines seulement après l'avoir déposée, puis s'est mis en arrêt maladie.
Condamné par le passé pour escroquerie à 6 mois de prison, Philippe Guignard ne peut avoir de patente à son nom. Pour continuer à exercer, il doit déléguer la gestion de son établissement. Le chef du Service de la police du commerce Alain Maeder exige des garanties pour autoriser la réouverture de l'établissement. Il affirme à la RTS les avoir obtenues vendredi 7 juin: "Nous avons eu une rencontre avec les protagonistes vendredi. Un concept nous a été présenté avec une nouvelle gérante et des garanties financières. Nous avons estimé que cela était recevable et que le tea-room pouvait rouvrir."
Difficultés récurrentes
Philippe Guignard n'a pas donné suite aux demandes d'interview de la RTS. Dans une déclaration au journal La Gruyère, qui a publié le 8 juin un article sur ses déconvenues, l'intéressé dit avoir trouvé une nouvelle personne ayant déjà travaillé pour lui. Tout est en ordre, assure-t-il. Dans un courriel adressé à la RTS, son avocat, Me Julien Guignard, estime que "la continuation de l'exploitation est assurée de façon pérenne et professionnelle. L'établissement rencontre un franc succès et un développement impressionnant".
Cette nouvelle expérience sera-t-elle la bonne? Cela n'est pas certain. Le Pôle enquête de la RTS, qui suit le dossier depuis plusieurs mois, a pu constater une récurrence dans les difficultés rencontrées à La Maison Guignard, le nom du nouvel établissement du pâtissier sis dans le chef-lieu du district de la Gruyère.
Enquête de la justice
Le pâtissier vaudois est également sous enquête, après le dépôt d'une plainte d'une ancienne gérante en octobre 2023, pour calomnie et chantage notamment. Une dénonciation pénale suivie d'une autre, de Philippe Guignard, en décembre 2023. Il accuse à son tour son ex-gérante, de vol. Le Ministère public a dû se saisir de l'affaire. Les investigations de police sont toujours en cours.
Un autre problème est évoqué par tous les témoins avec lesquels la RTS a pu s'entretenir. L'ex-meilleur boulanger vaudois, "Prix du bon pain" dans ses bonnes années, sous-traite à un grossiste l'essentiel de sa production en boulangerie, comme le pain et les viennoiseries.
"Il gère seul la production"
Philippe Guignard s'en explique dans le journal La Gruyère: "Le 60% de ma production, je le fais moi-même. Pour le reste, je valorise des produits préfabriqués", explique-t-il à nos confrères.
Pour les produits qu'il ne confectionne pas lui-même, il les a soigneusement choisis et pour certains améliorés
De son côté, l'avocat du pâtissier, Me Julien Guignard, répond comme suit: "Bien qu'entouré par une équipe motivée, il gère seul la production et n'a jamais prétendu ou affirmé qu'il confectionnait tous les produits qu'il vend à la Maison Guignard. Il vous suffit de vous rendre à la maison Guignard pour simplement constater que toutes les provenances sont indiquées. Pour les produits qu'il ne confectionne pas lui-même, il les a soigneusement choisis et pour certains améliorés."
Ancien président du Lausanne-Sport
Philippe Guignard a acquis une renommée nationale avec le Lausanne-Sport, un club qu'il a présidé de 2002 à 2006, à une époque où tout lui réussissait. Ses célèbres guignardises attiraient des clients par centaines dans le Nord-Vaudois, à Orbe, et dans les autres établissements du pâtissier, de Lausanne à la Vallée de Joux.
Mais les problèmes se sont accumulés par la suite. Un projet immobilier développé entre 2011 et 2013 lui a valu une condamnation pour escroquerie dans le canton de Vaud. En appel, en 2022, la part de prison ferme a été réduite de 18 à 6 mois.
Claude-Olivier Volluz, Pôle enquête RTS