Modifié

Un pistolet-mitrailleur de la police fribourgeoise a disparu dans la nature

Un pistolet-mitrailleur de la police fribourgeoise et ses munitions ont mystérieusement disparu depuis plus d’un an
Un pistolet-mitrailleur de la police fribourgeoise et ses munitions ont mystérieusement disparu depuis plus d’un an / 19h30 / 2 min. / le 16 avril 2024
Une arme de service et ses munitions sont introuvables depuis plus d'un an dans le canton de Fribourg, révèle mardi le Pôle enquête de la RTS. Une situation embarrassante qui a motivé l'ouverture d'enquêtes administrative et pénale qui n'ont rien donné. A Genève, une arme similaire reste, elle aussi, insaisissable.

C'est un couac dont se serait bien passé la police cantonale fribourgeoise. Une arme de service, de type HK MP5 (voir encadré), et ses chargeurs ont mystérieusement disparu il y a plus d'un an, a appris le Pôle enquête de la RTS.

Malgré la mobilisation des autorités policières, judiciaires et politiques du canton, ce pistolet-mitrailleur reste introuvable. Les services du conseiller d'Etat chargé de la Sécurité Romain Collaud parlent d'un "événement regrettable".

Arme dans un véhicule immobilisé

Les faits remontent au 31 janvier 2023. Lors d'un inventaire, il est constaté qu'une arme longue, trois magasins de munitions et une sacoche manquent dans un véhicule de police. Selon les renseignements de la RTS, cette voiture était restée immobilisée en raison de la neige après une intervention dans le sud du canton. Mais le matériel sensible se trouvant à l'intérieur avait été ramené au poste de police de Vaulruz.

L'État-major de la police fribourgeoise est immédiatement informé de cette disparition. "Sans délai, des mesures d'enquête et de recherches dans nos infrastructures, nos véhicules ainsi que les emplacements plausibles ont été parallèlement mis en œuvre afin de tenter de retrouver cette arme", relate Martial Pugin, chef communication des forces de l'ordre. Les casiers de différents agents sont notamment fouillés, selon les informations recueillies par la RTS.

Une plainte pénale déposée

Une enquête administrative est ouverte. La nouvelle remonte au plus haut niveau de l'Etat, puisque le conseiller d'Etat chargé de la Sécurité, Romain Collaud, est averti, de même que le procureur général Fabien Gasser. Ce dernier ouvre une instruction pénale et ordonne des mesures.

"Il a été décidé de déposer une plainte pénale pour appropriation illégitime, éventuellement vol auprès du Ministère public", précise le porte-parole de la police fribourgeoise. Le 10 février 2023, l'arme manquante est signalée au RIPOL, le système national de recherches de personnes et d'objets, exploité conjointement par la Confédération, notamment la police fédérale (Fedpol) et les cantons.

Procédure suspendue

Mais les jours passent et l'arme de service reste introuvable. Le 20 septembre 2023, près de huit mois après la disparition du pistolet-mitrailleur et de ses munitions, la police cantonale dépose un rapport de synthèse. Deux semaines plus tard, le 4 octobre, le procureur général Fabien Gasser rend une ordonnance qui suspend les recherches. La RTS en a obtenu une copie.

"De nombreuses investigations ont été entreprises par la police cantonale afin de retrouver cette arme, en vain", écrit le magistrat. "Différentes mesures ordonnées par le Ministère public n'ont pas permis de fournir d'autres éléments." Ces mesures, le Parquet ne souhaite pas les détailler. Mais le greffier-chef Raphaël Brenta indique que de manière générale le Code de procédure pénale "autorise le recours à des moyens de contrainte ouverte et cachée".

Trois pistes privilégiées

Où est cette arme? Comment expliquer sa disparition? Pour la police fribourgeoise, il existe trois pistes privilégiées: une perte lors d'une opération de police, un vol interne ou externe (appropriation illégitime) ou encore une erreur dans le processus de rangement ou de stockage. "L'enquête diligentée ne permet pas de trancher entre ces hypothèses", constate le procureur général dans son ordonnance.

Il n'existe actuellement pas de mesure d'instruction apte à amener la lumière sur cette affaire

Fabien Gasser, procureur général fribourgeois


Cependant, signale Martial Pugin, "tout nouvel élément porté à notre connaissance donnera lieu à des vérifications de circonstance". Le Conseil d'Etat fribourgeois reste d'ailleurs régulièrement informé de la situation.

Parallèle genevois

"La disparition de cette arme longue, tout à fait exceptionnelle dans l'histoire de la police cantonale fribourgeoise, est évidemment, pour le Département de la sécurité, de la justice et du sport et son Directeur (Romain Collaud, ndlr), un événement regrettable", indique son porte-parole Didier Page. "Cela a du reste immédiatement donné lieu, en parallèle aux mesures d'investigation, à une analyse du processus interne de gestion du matériel sensible, afin de réduire encore le risque qu'un tel événement se reproduise."

La police cantonale fribourgeoise ne peut exclure que ce pistolet-mitrailleur soit tombé entre de mauvaises mains, comme à Genève le mois dernier. Un homme a ouvert le feu sur un établissement public après avoir volé une arme de service dans un véhicule de police. Une seconde arme longue est toujours recherchée.

>> Lire sur ce sujet : Un café des Pâquis à Genève visé par une dizaine de coups de feu en pleine nuit

Contexte helvétique

"Ce qui est certain, reprend le porte-parole de la police fribourgeoise, c'est que depuis une année maintenant, cette arme n'a pas réapparu, notamment dans le cadre d'un crime ou d'un délit, en Suisse ou à l'étranger."

"Sans vouloir minimiser le problème, poursuit-il, nous nous permettons de fixer l'inquiétude légitime dans le contexte helvétique, à savoir que l'accès à une arme dans notre pays s'inscrit dans un cadre légal permettant à de nombreuses personnes d'en posséder en toute légalité."

Raphaël Leroy, Pôle enquête RTS

Publié Modifié

Le HK MP5, une arme mythique

Le HK MP5 n'est pas n'importe quelle arme. Ce modèle de pistolet-mitrailleur, de marque allemande, est une arme d'élite utilisée prioritairement par des forces de sécurité. Capable de tirer en rafales, il équipe bon nombre de polices à travers le monde, dont des polices cantonales. La police fribourgeoise l'utilisait encore l'année dernière avant de le remplacer par un modèle plus récent d'une autre marque.

Le HK MP5 n'est pas disponible dans le commerce pour les particuliers. Il existe toutefois une certaine quantité de cette arme en vente dans des armureries ou sur des sites spécialisés, mais elles sont d'occasion et nécessitent un permis spécial. Leur prix en seconde main oscille entre 4000 et 6000 francs.

Bien que relativement ancien, ce pistolet-mitrailleur reste très prisé des amateurs et des collectionneurs. Réputé fiable, robuste et précis, il apparaît dans de nombreux films d'action hollywoodiens, ainsi que dans des séries et des jeux vidéos. Pour l'anecdote, c'est une arme cousine du HK MP5 qui équipait les forces spéciales américaines au moment de l'élimination d'Oussama ben Laden en 2011.

"Le HK MP5 a toujours été mythique et recherché par tout type de collectionneurs", confirme cet armurier romand, qui souhaite garder l'anonymat pour des questions de sécurité. "Voler cette arme ou la détenir de manière illicite n'a cependant aucune utilité", assure-t-il. "Car si on veut l'utiliser de manière illégale, elle sera tracée et peut-être reconnue. Et si on veut l'utiliser de manière légale, on est obligé de l'inscrire quelque part, soit sur un registre de police, soit sur un registre de stand de tir. Ce qui en fait une pièce inutilisable."