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"La Suisse a besoin d'une fête comme celle de la lutte pour se cimenter"

Isabelle Raboud-Schüle. [Keystone - Caroline Dumoulin]
L'invité de la rédaction - Isabelle Raboud-Schüle / Le Journal du matin / 22 min. / le 26 août 2016
L'ethnologue et directrice du Musée gruérien de Bulle Isabelle Raboud-Schüle décrypte, à l'occasion de la Fête fédérale de lutte qui débute vendredi à Estavayer (FR), les ressorts de l'identité suisse.

Evoquant la résurgence des fêtes populaires en Suisse au XIXe siècle, Isabelle Raboud-Schüle rappelle le besoin du pays à "recoller les morceaux" au sortir de la guerre civile du Sonderbund. Des célébrations communes autour de la gymnastique, de la musique ou du tir, puis plus tard de la lutte, qui étaient aussi destinées à l'extérieur, puisque l'on venait de toute l'Europe pour assister à ces joutes, précise Isabelle Raboud-Schüle. Vitrine pour l'extérieur et ciment du fédéralisme pour l'ensemble des Suisses.

"Cliché"

Dans le Journal du matin vendredi, la directrice du Musée gruérien explique ce besoin du pays de se retrouver dans la mesure où, les 26 cantons ayant chacun leurs spécificités, "on n'a pas le carrosse et les chapeaux de la reine à admirer. Alors il est bien parfois d'avoir un taureau ou des couronnes de lutteurs à voir." Et de préciser: "On sait que cette identité est un cliché, mais on a besoin de quelque chose d'assez simple pour avoir une représentation du tout."

"Lutte-Graben?"

Isabelle Raboud-Schüle explique l'absence de tradition ou de grand lutteur à la culotte romands par un fait historique puisque lorsque cette discipline s'est développée, la Suisse ne comptait pas encore ou peu de cantons romands. De plus, en Suisse romande, il existe d'autres types de lutte - gréco-romaine notamment - dans lesquelles ont excellé des "dynasties" romandes. Mais cette situation change avec l'évolution de la lutte à la culotte vers une discipline sportive qui permet d'élargir le cercle de ses amateurs.

Quant à savoir si le public romand va s'intéresser à l'événement d'Estavayer, Isabelle Raboud-Schüle imagine qu'au-delà des médias et des politiciens, la Fête fédérale de lutte va attirer aussi les Romands, qui viendront "par curiosité et pour faire la fête" davantage que pour voir tel ou tel lutteur ou se passionner pour la subtilité des passes.

gax

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Une fête-business?

Avec un budget de 30 millions de francs en 2016, la Fête fédérale de lutte est un événement de poids en Suisse romande. Une évolution inévitable, selon Isabelle Raboud-Schüle: "Les montants investis augmentent partout, qu'il s'agisse des festivals, des fêtes cantonales de musique, des girons, car les publics sont toujours plus exigents." Mais aussi pour des raisons réglementaires ou légales qui obligent les organisateurs à répondre à des besoins en infrastructures et en sécurité toujours plus grands, ajoute la directrice du Musée gruérien.