Il y a un mois, la rédaction fribourgeoise avait dévoilé l’avertissement lancé par le Conseil d’Etat fribourgeois au préfet socialiste Carl-Alex Ridoré. A la suite de remous internes à la préfecture, le gouvernement cantonal menaçait le magistrat de lancer une enquête administrative à son encontre si la sérénité ne revenait pas d'ici à la fin de l'année.
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Or de nouveaux documents que la RTS a pu se procurer montrent que le dialogue est particulièrement difficile entre le préfet de la Sarine et la Direction des institutions. Ils prouvent que les appels de Carl-Alex Ridoré ne sont manifestement pas entendus par les services de la conseillère d'Etat Marie Garnier.
Deux démissions justifiées par du mobbing
Dans une lettre datée du 27 février dernier, adressée par le préfet au Conseil d'Etat, on apprend la raison de la démission de deux conseillères juridiques de la préfecture. Elles auraient ressenti du mobbing - non pas du préfet lui-même mais de son adjointe, la lieutenante de préfet.
Dans ce courrier, Carl-Alex Ridoré fait part à la Direction des institutions de son intention d'ouvrir une enquête sur ces allégations de harcèlement. Mais la direction, selon le préfet, a minimisé la question. On lui a signifié que cette cadre devait rester un élément essentiel de la préfecture et qu'il fallait tout faire pour ne pas la fragiliser. Cette réponse apparaît au yeux du magistrat comme partiale et contraire au dispositif voulu par le Conseil d'Etat en relation avec des soupçons de harcèlement.
Toujours dans la même lettre, on apprend que cette cadre a été identifiée au début de l'année dernière comme "une personne potentiellement à risque" par la société de gestion d'entreprise Hesperia. Elle a d'ailleurs bénéficié, à la demande du préfet, d'un coaching assuré par ce même cabinet.
La conseillère d’Etat Marie Garnier conteste cette affirmation. Selon elle, le rapport évoque un risque essentiellement liée à la charge de travail et à la jeunesse de la lieutenante de préfet.
Dans une nouvelle lettre datée du 13 mars, Carl-Alex Ridoré indique avoir consulté ses cadres et pris des mesures internes pour que la situation ne se reproduise pas et pour stabiliser l’institution. Il s'étonne au passage que le rapport final d'Hesperia ne lui ait jamais été transmis, ce que le Conseil d'Etat confirme d’ailleurs implicitement dans une lettre datée du 20 mars. Mais il renonce finalement à l’idée d’une enquête sur l’affaire de harcèlement.
Entretemps, le magistrat a demandé la récusation de sa ministre de tutelle Marie Garnier. Mais le Conseil d'Etat n'est pas entré en matière, estimant que la demande n'est pas conforme à la loi.
Courriers révélateurs des tensions
Le ton employé dans la correspondance est autoritaire. Le Conseil d'Etat, qui est le supérieur du préfet, le lui fait clairement sentir avec l'utilisation de termes comme “nous exigeons”. On lui dit aussi qu'il doit se limiter à l'essentiel dans sa correspondance avec le gouvernement.
Aujourd'hui, la Direction des institutions affirme que les rapports se sont nettement améliorés. Pourtant, depuis l’éclatement de cette affaire, le Conseil d’Etat fribourgeois n’a pas répondu aux demandes réitérées de Carl-Alex Ridoré de le rencontrer in corpore.
De son côté, Marie Garnier souligne que le Conseil d’Etat a rencontré in corpore l’ensemble des préfets et a discuté avec eux des problèmes liés à la gestion du personnel. La directrice fribourgeoise des institutions monte donc au créneau pour prendre la défense de la lieutenante de préfet de la Sarine.
Maurice Doucas/oang