Ils sont nombreux au PLR genevois à être tombés des nues lorsque le volet financier et fiscal de l'affaire Maudet a été progressivement révélé. Des extraits de la comptabilité du Cercle Fazy-Favon commencent à circuler.
Pour rappel, les fonds du Cercle Fazy-Favon proviennent du trésor caché par le parti radical genevois lors de sa fusion avec les libéraux, une somme très importante puisque l'extrait confirme que le Cercle a reçu 235'000 francs à sa fondation le 20 décembre 2011. Si l'on se concentre sur les versements du Cercle à l'association de soutien de Pierre Maudet, ce sont plus de 86'000 francs qui ont transité.
"Soutenir le meilleur d'entre nous"
L'émission Temps Présent de la RTS a pu obtenir plusieurs documents de multiples sources qui racontent la création de ces deux caisses, l'association de soutien à Pierre Maudet et le Cercle Fazy-Favon. Il y a premièrement le PV confidentiel du Comité du PLR Ville de Genève daté du 2 avril 2012.
Il révèle que les 12 membres présents valident le versement d'une somme de 20'000 francs pour soutenir la campagne de Pierre Maudet, candidat au Conseil d'Etat, précisant que "le versement sera effectué sur un compte affecté exclusivement à la campagne électorale (et non sur le compte du parti cantonal dès lors que ce montant n'a pas pour vocation de couvrir les dépenses courantes de celui-ci)".
Le montant selon la facture que la RTS a pu se procurer a été effectivement viré sur le compte de l'association de soutien à Pierre Maudet deux jours plus tard. Présent, Adrien Genecand, aujourd'hui vice-président du PLR Genève, assure: "C'était bien normal de soutenir le meilleur d'entre nous, il était difficile alors d'imaginer qu'une association créée pour une élection partielle allait s'installer de manière pérenne."
"Les faits adaptés aux circonstances"
Pour la création du Cercle Fazy-Favon, ce ne sont pas moins de 37 membres des radicaux de la Ville de Genève qui assistent à l'Assemblée générale du parti le 4 mai 2011 lors de laquelle cette association a été créée.
Adrien Genecand était présent là encore et il raconte qu'à ce moment, "ce fonds a été présenté à l'assemblée avec l'objectif de soutenir des projets correspondant aux valeurs radicales."
"Manifestement, les faits ont été adaptés aux circonstances", selon la formule qu'Adrien Genecand emploie pour expliquer qu'il ignorait jusqu'à l'affaire Maudet l'importance des montants accordés au conseiller d'Etat. D'autres au PLR sont encore plus sévères et évoquent un "système industriel". Balayant la thèse du "on ne savait pas" et "on s'est fait avoir", les avocats conseil de Pierre Maudet, Me Grégoire Mangeat et Me Fanny Margairaz, réagissent: "Les pièces démontrent que ceux qui ont choisi d'user de cet argument pour accabler notre client ont parlé trop vite, sinon menti."
Deux versions des PV
En approfondissant l'enquête, nous avons découvert que deux versions des PV circulent. Une version intacte et d'origine et une version corrigée dans laquelle certains passages ont été effacés.
Par exemple, le paragraphe qui précise le mandat du Cercle Fazy-Favon a disparu dans la version revisitée.
Même procédé avec le PV du comité qui valide la création d'une association de soutien à Pierre Maudet, cette précision disparaît dans une version révisée du PV.
Confronté à ces documents, Adrien Genecand confirme: "Nous nous sommes replongés dans nos archives. Et dans chaque cas où des décisions étaient prises concernant ces associations, il est intéressant de constater qu'effectivement les PV ont été modifiés par les principaux concernés, dont Pierre Maudet."
Isabelle Ducret
>> Voir l'intégrale: "Affaire Maudet: la chute de Pierre":
Temps Présent: affaire Maudet, la chute de Pierre
Depuis des mois, les révélations se succèdent à un rythme effréné, défrayant la chronique jusqu'outre-Sarine. Il faut dire que la situation est inédite en Suisse, celle d'un élu au Conseil d'Etat sous instruction pénale et qui poursuit son mandat.
L'enquête de Temps Présent diffusée jeudi soir sur RTSun retrace pas à pas les chapitres de l'affaire: les mensonges élaborés collectivement et maintenus sous une chape de silence pendant 2 ans et 4 mois avant les aveux public du conseiller d'Etat.
Depuis fin août 2018, Pierre Maudet est prévenu d'acceptation d'un avantage. L'une des affaires sous la loupe du Ministère public genevois concerne l'autorisation accordée à l'Escobar, un bar à Genève. La RTS s'est procuré cette image, un élément clé, qui confirme que la procédure d'autorisation n'a duré que 9 jours alors que c'est plutôt 2 mois en général. Mais pas seulement, on y voit écrit que l'approbation a été accordée par "autorisation word à la demande du magistrat", ce qui signifie que le magistrat a été invoqué dans la procédure.
L'affaire Maudet a maintenant plusieurs volets : pénal, financier, fiscal. Les appels à la démission s'enchaînent de tous bords mais le conseiller d'Etat ne lâche rien. Pour lui, le critère ultime, c'est son électorat.