"On m’a retiré mon fils séance tenante suite à un diagnostic de trouble mixte de la personnalité, sachant que je l'avais élevé depuis sa naissance et que j’avais déjà une fille aînée", explique Isabelle Megret. Depuis 2016, cette mère de trois enfants ne peut voir son fils de 7 ans qu'une heure par semaine, alors qu'elle s'occupe à temps plein des deux autres.
Comme elle, une centaine de parents tous en instance de divorce au moment de l'expertise ont été vus par la même psychiatre des HUG. Réalisant à quel point les ressemblances entre diagnostics sont troublantes, ils ont décidé de se regrouper en collectif: le Printemps de l'égalité coparentale.
Parti pris pour un des parents
"On avait tous les mêmes choses, un trouble mixte de la personnalité, et il y avait toujours un parti pris pour un parent. On lui arrachait l’enfant tout de suite". Face à la souffrance de ces patients, les HUG ont mandaté en 2018 un expert pour analyser le travail de la docteure.
"Les HUG ont pleine confiance dans le travail réalisé par l’experte", explique le porte-parole Nicolas De Saussure. Les conclusions du rapport retiennent que "la qualité des expertises correspond pleinement aux standards exigés par les autorités". Il mentionne toutefois quelques pistes d’amélioration concernant la documentation et parfois l'étayage des conclusions.
Enquête à approfondir
Ces conclusions ne satisfont qu'à moitié le conseiller d'Etat Mauro Poggia. "Il faut peut-être aller au-delà, vu les plaintes qui sont multiples, estime-t-il. Cela ne veut pas encore dire qu’elles sont fondées [...] mais on ne peut pas s’arrêter simplement à un examen superficiel sur la structure de l’expertise à un moment donné. Il faut voir si le travail a été fait avec toute l’attention requise."
Philip Jaffé, psychologue et membre du comité des droits de l'enfant des Nations unies, estime que la colère des parents est justifiée, et les dysfonctionnements nombreux sur les questions de garde d'enfants en cas de divorce. "En Suisse romande, il y a peu d’experts qui fonctionnent et encore moins de bons experts. On a tendance à être entassés les uns sur les autres et à raconter la même chose."
Repenser le système
Depuis 2012, le Centre universitaire romand de médecine légale effectue en moyenne 60 expertises par an demandées par les tribunaux, et leur nombre est en sensible augmentation depuis un an.
Selon Philip Jaffé, le risque de "surpsychiatrisation" existe. "Il est temps que chaque canton romand ose repenser un peu le système [...] et tout remettre à plat". Pour sa part, le collectif de parents réclame un accès plus généralisé à la garde partagée.
Cécile Tran-Tien