"Il (Juan Carlos) a mis certaines choses au nom de son cousin. Les comptes bancaires suisses sont à son nom (…) maintenant, ils veulent que je lui transmette des affaires à travers "X" (un avocat genevois, ndlr)".
Ces sulfureuses allégations sont contenues sur des bandes diffusées en juillet de l’année dernière par la presse espagnole. La voix est celle de Corinna zu Sayn-Wittgenstein, ex-amante de Juan Carlos 1er, qui affirme avoir été utilisée comme prête-nom par le souverain émérite.
L’aristocrate, apparemment enregistrée à son insu (voir encadré), y dénonce également que l’ancien roi d’Espagne aurait touché des commissions illégales suite à l’attribution d’un contrat de construction d’une ligne de train rapide en Arabie saoudite, et que le même avocat genevois, en charge de structures financières, aurait participé à la transaction.
Les protagonistes face à Bertossa
Après avoir secoué l’Espagne l’été passé, ces informations ont poussé la justice à agir en Suisse. Le Ministère public genevois a confirmé à la RTS avoir ouvert une enquête, comme l’a révélé OKDiario. Par la voix de son porte-parole, il précise que "plusieurs protagonistes ont été entendus".
Vu la sensibilité du dossier, il ne donne pas plus de détails, ni sur les conditions de l’ouverture de l’enquête, ni sur les charges, ni sur le statut des personnes entendues.
Selon nos informations, des perquisitions ont eu lieu et l’avocat genevois nommé par Corinna zu Sayn-Wittgenstein a dû répondre aux questions du procureur Yves Bertossa, tout comme "Y", un gestionnaire de fortune de la place.
Le nom de ce Genevois est bien connu en Espagne, étant apparu dans plusieurs enquêtes financières ces dernières années, dont le scandale politico-financier du réseau Gürtel. Cette affaire avait révélé un réseau de corruption au sein du Parti Populaire et précipité la chute du Premier ministre Mariano Rajoy. Le financier et sa société installée au bord du Rhône ont été perquisitionnés à plusieurs reprises dans le cadre d’investigations espagnoles.
"Heureuse de voir que l’enquête progresse en Suisse"
Carlo Lombardini, avocat de "Y", communique que son client considère n’avoir rien à se reprocher "ayant toujours développé son activité dans le respect des obligations légales qui lui incombent" et qu’il n’entendait pas "s’exprimer sur les vagues rumeurs relatées par une certaine presse". L’homme de loi "X", également peu loquace, nous a quant à lui répondu "n’avoir aucune déclaration à faire".
Corinna zu Sayn-Wittgenstein s’est aussi rendue au Ministère public en décembre 2018. Son avocat assure que sa cliente, qui s’estime victime d’une campagne de désinformation en Espagne, est "heureuse de voir que l’enquête progresse en Suisse".
Avec cette procédure, le parquet genevois s’attaque à un sujet hautement médiatique et sensible dans la péninsule ibérique, où le parquet anti-corruption de Madrid vient de solliciter le Serious Fraud Office (SFO) britannique afin de pouvoir à son tour interroger en tant que témoin Corinna Sayn-Wittgenstein, qui vit à Londres.
Marc Renfer
L’origine des enregistrements
Les paroles de Corinna Sayn-Wittgenstein ont été enregistrées par un commissaire de police à la retraite à la réputation de maître-chanteur.
L’homme se trouve en détention préventive depuis novembre 2017 et attend son jugement pour association de malfaiteurs et blanchiment.