Ces convocations ont eu l'effet d'une bombe pour les personnes concernées. D'une part, car ces convocations arrivent très tard – près de 18 mois après le dépôt de la plainte pour violation du secret de fonction. Dans les faits, il y a même eu deux plaintes, car RTSinfo a appris que le professeur incriminé avait lui aussi porté plainte le lendemain du Département de l'Instruction publique.
D'autre part, ces convocations ont suscité la stupéfaction parce qu'il n'est jamais anodin de devoir se rendre dans un poste de police, parfois accompagné d'un avocat, pour répondre à la police judiciaire. Enfin, car ces deux femmes considèrent qu'elles n'ont fait que leur devoir, en aidant des jeunes filles abandonnées à leur sort le plus souvent.
L'ombre de l'affaire Ramadan
Ces deux femmes avaient d'ailleurs déjà été actives dans l'affaire Ramadan. Elles sont à l'origine de la création, en 2017, d'un comité de soutien à des anciennes élèves affirmant avoir été abusées par Tariq Ramadan, professeur au collège de Saussure dans les années 1990.
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Quelques mois plus tard, c'est tout naturellement qu'elles ont soutenu les victimes d'un autre professeur qui leur envoyait des messages à caractère sexuel. Un enseignant qui a été révoqué par le Conseil d'Etat genevois avant de faire recours. Ces deux femmes ont aussi été parmi celles qui ont dénoncé les conditions dans lesquelles l'enquête sur ces affaires avait été menée. C'est cet activisme qu'elles disent payer aujourd'hui.
L'une des défenseuses est fonctionnaire
L'une des deux personnes ayant pris la défense des jeunes femmes est fonctionnaire: il s'agit de Franceline Dupenloup. Elle est la Madame égalité du DIP et a été entendue en qualité de personne appelée à donner des renseignements le 29 août, soit à trois mois de sa retraite. Son avocat, Me Romain Jordan, se dit serein sur la suite de la procédure, tout en déplorant que l'on jette gratuitement le soupçon sur une fonctionnaire dont le travail est "unanimement salué".
La seconde personne concernée a été auditionnée le 3 septembre. Cette fois-ci en tant que témoin, puisqu'elle n'est pas fonctionnaire et donc n'est pas soumise au secret de fonction. Ce statut l'oblige en revanche à répondre aux questions des enquêteurs et de dire la vérité. Cette femme fait par ailleurs l'objet d'une autre plainte du professeur en question pour des infractions présumées contre l'honneur.
Trois plaintes
Trois plaintes au total ont donc été déposées dans cette affaire. Le Département d'Anne Emery-Torracinta ne montre néanmoins aucun signe de regret d’avoir saisi la justice. Il rappelle toutefois le contexte dans lequel cette plainte a été déposée. A l'époque, explique le DIP, il subissait des attaques répétées concernant différentes affaires de mœurs passées et présentes, dans un climat médiatique et institutionnel "délétère", selon ses termes.
Dans le souci de protéger les victimes et les collaborateurs, dit-il, il s'agissait alors de "clarifier le message, de repréciser les règles et de rappeler le cadre légal".
Le département mentionne que plusieurs dispositifs pour prévenir ce genre de cas ont été mis en place depuis: "Aucune alerte n'est de trop en matière d'abus dans le cadre scolaire, précise-t-il. Il s'agit, en revanche, de le faire dans un cadre permettant une prise en charge optimale de ce type d'affaire."
Raphaël Leroy/sjaq