"Avec une amie, on a chacun fait tester un cachet d'ecstasy. Celui que j'ai fait analyser était à 150 mg de MDMA et celui de mon amie à 237 mg. Cent cinquante milligrammes, c'est déjà une dose complète pour un homme d'environ 80 kg, et 237 mg, c'est une très forte dose pour n'importe qui."
La RTS a recueilli, sous couvert d'anonymat, le témoignage de deux hommes après réception des résultats des analyses de leurs produits stupéfiants en laboratoire. Tous deux se décrivent comme des consommateurs occasionnels, et voient d’un très bon oeil le dispositif genevois de drug checking.
Pour eux, recourir à ce service est une manière de se "responsabiliser", d'être davantage acteurs de leur consommation et de limiter au maximum les risques. Le trentenaire cité plus haut le reconnaît: sans ce contrôle, il aurait pu y avoir "de très mauvaises surprises".
Dispositif lancé en juin à Genève
Après avoir été proposé ponctuellement lors de manifestations genevoises comme la Lake Parade ou la Geneva Pride, le dispositif de drug checking a été lancé de manière permanente à Genève en juin.
L'objectif est de réduire les risques liés à la prise de drogues, en s’assurant par exemple que la cocaïne, l'ecstasy ou le LSD des consommateurs ne sont pas coupés avec d’autres substances inattendues et potentiellement dangereuses.
L’association Première ligne, via son action "Nuit Blanche?", est derrière la démarche. Un tel système existait déjà dans des villes alémaniques comme Zurich ou Berne, mais pas encore en Suisse romande.
>> Lire : Genève propose un service d'analyses des drogues, une première romande
Anonymat garanti
Dans la pratique, l’utilisateur peut amener le lundi soir les substances qu'il souhaite contrôler. L'échantillon est ensuite envoyé dans un laboratoire du Centre universitaire romand de médecine légale. Le vendredi, le résultat du test est connu. La démarche s'accompagne d'un entretien de réduction des risques.
Le maximum est fait pour mettre les consommateurs en confiance: musique d'ambiance, atmosphère lumineuse travaillée... L'anonymat, en particulier, est garanti. Une condition cruciale, pour des usagers qui préfèrent souvent rester discrets.
Tous les âges, tous les milieux
Près de 4 mois après l'introduction du service à Genève, l'association n'a pas identifié un profil-type d'usager. Au niveau de l'âge, "cela va de 20 à environ 70 ans" et de "tous milieux socio-professionnels", détaille Stéphane Moelo, collaborateur de "Nuit Blanche?".
Il s'agit plutôt d'utilisateurs ponctuels, festifs et récréatifs. Les usagers vraiment accros à une substance, eux, ont généralement besoin de consommer leur produit immédiatement après l’avoir acheté, explique-t-il.
En ce qui concerne les substances en elles-mêmes, l'association n'a pour l'heure pas été confrontée à des mélanges inattendus. En revanche, beaucoup de produits testés se révèlent "hautement dosés en substances actives", souligne la coordinatrice Roxane Mégevand, qui précise qu'il s'agit d'une tendance constatée à l'échelle suisse voire européenne.
En moyenne 5 analyses par semaine
Ce projet pilote, financé par le canton, coûte environ 100'000 francs par an. Si les porteurs du projet estiment qu'il est encore un peu tôt pour tirer un vrai bilan, ils se disent plutôt satisfaits.
Il y a actuellement en moyenne cinq analyses de substance par semaine, sur une capacité de dix, selon l'association.
Les porteurs du projet réfutent le risque de banalisation ou d'incitation à la consommation. Ils rappellent que le drug checking s'adresse à des personnes qui ont déjà fait le choix de consommer et ne fait que leur apporter une information objective sur la qualité de leur substance, en termes de dosage et de composition.
Pour Roxane Mégevand, le dispositif peut même, à l'inverse, avoir pour effet que les usagers "diffèrent, voire renoncent à une consommation si la substance est dite potentiellement dangereuse".
L'un des consommateurs a en tout cas affirmé à la RTS qu'il ne consommerait "plus jamais sans faire tester avant". Pour lui, "c'est un luxe d'avoir ce dispositif à Genève, on l'attendait depuis très longtemps". A l'avenir, l'association Première ligne ambitionne d'amener ce drug checking dans les clubs et les festivals.
Guillaume Rey / ptur