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Perquisitions à Genève dans le cadre du scandale de corruption Petrobras

Basé à Genève, le groupe Vitol est un important acteur du marché pétrolier. [Keystone - Martial Trezzini]
Perquisitions à Genève dans le cadre du scandale de corruption Petrobras / Le Journal horaire / 22 sec. / le 22 novembre 2019
Le Ministère public de la Confédération a mené mercredi des perquisitions dans les bureaux genevois des négociants en pétrole Trafigura et Vitol. Elles s'inscrivent dans le cadre du scandale de corruption brésilien Petrobras.

Ces perquisitions ont été révélées par le le Parquet fédéral de l'Etat brésilien du Parana. Elles sont présentées par la justice brésilienne comme faisant partie de la 68e phase de la vaste opération anti-corruption "Lava Jato" (lire encadré), pour laquelle les enquêteurs avaient demandé l'entraide judiciaire de la Suisse. Le Ministère public de la Confédération (MPC) a confirmé avoir répondu à la demande brésilienne, sans plus de précisions.

Le Ministère public fédéral brésilien (MPF), sur la base  affirme que Trafigura et Vitol ont réalisé des transactions "de manière massive et récurrente" de pétrole et de dérivés avec Petrobras sur le marché international. Au total, ces opérations représenteraient l'équivalent de plus de 23 millions de francs suisses entre 2004 et 2015.

Le MPF soupçonne des directeurs des deux sociétés d'avoir payé des dessous de table à des fonctionnaires de Petrobras en échange de facilités comme des prix avantageux et des contrats plus fréquents.

Trafigura et Vitol assurent coopérer

Trafigura a confirmé elle aussi avoir reçu la visite du MPC. Sur son site internet, le groupe singapourien explique avoir répondu aux requêtes et fourni la documentation "disponible".

Contacté par l'agence de presse AWP, Vitol déclare pour sa part coopérer avec les autorités compétentes, sans se prononcer sur la perquisition à Genève. "Il ne serait pas approprié pour Vitol de fournir des commentaires à ce stade", indique la société genevoise, qui dit prôner la "tolérance zéro à l'égard des pots-de-vin et de la corruption".

Le témoignage d'un ancien intermédiaire

Selon l'organisation indépendante Public Eye (ex-Déclaration de Berne), la double perquisition à Genève trouve son origine dans la déposition, en août dernier, de l'ancien intermédiaire de l'industrie pétrolière Carlos Henrique Nogueira Herz. Celui-ci avait incriminé le fondateur de Trafigura aujourd'hui décédé, Claude Dauphin, et l'actuel président de Vitol Ian Taylor, explique le communiqué.

Henrique Nogueira Herz a accusé les deux haut-dirigeants d'avoir eu connaissance des millions de dollars payés aux fonctionnaires de la compagnie pétrolière Petrobras, détenue par l'Etat brésilien, afin d'obtenir des contrats entre 2011 et 2014.

Nouvelle phase dans l'affaire

Selon Public Eye, ces nouvelles perquisitions annoncent une nouvelle phase dans la "tentaculaire affaire Petrobras", dont l'enjeu sera de déterminer l'implication des dirigeants des deux sociétés.

oang avec ats

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"Lava Jato" a du plomb dans l'aile

Plus grande enquête anticorruption de l'histoire du Brésil, l'opération "Lava Jato" (Lavage express) a accumulé les revers ces derniers mois.

Parmi ceux-ci, figurent des décisions défavorables de la Cour suprême brésilienne et des soupçons sur l'impartialité de ses procureurs et de l'ex-juge emblématique Sergio Moro, devenu ministre de la Justice du président Jair Bolsonaro.

La défaite la plus cuisante est la libération, il y a deux semaines, d'une douzaine de détenus condamnés dans le cadre de l'enquête, dont l'ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, prisonnier le plus célèbre du Brésil.

Ces sorties de prison ont été motivées par un arrêt de la Cour suprême qui a jugé anticonstitutionnelle une jurisprudence selon laquelle une personne pouvait être incarcérée dès sa première condamnation en appel.

En retardant considérablement la menace d'une incarcération, la haute cour a du même coup mis à mal une autre des principales armes de "Lavage express", les délations récompensées, confessions négociées dans l'espoir d'un aménagement de peine.

Des ramifications étendues

L'enquête tentaculaire "Lava Jato" a débuté en 2014 à Curitiba (sud du Brésil) en mettant en évidence un gigantesque réseau de versements de pots-de-vin d'entreprises du bâtiment à des dirigeants politiques en vue de l'obtention de marchés publics, notamment avec la compagnie pétrolière d'Etat Petrobras.

Des dizaines de chefs d'entreprise et de personnalités politiques de tous bords ont été écroués. Ses ramifications se sont considérablement étendues, pratiquement sur tout le territoire brésilien, mais aussi à d'autres pays d'Amérique latine, notamment le Pérou et l'Equateur.