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La plaignante suisse dépose une nouvelle plainte contre Tariq Ramadan

Tariq Ramadan, poursuivi pour plusieurs viols, fait l'objet d'une nouvelle plainte en Suisse, pour calomnie cette fois.
Tariq Ramadan, poursuivi pour plusieurs viols, fait l'objet d'une nouvelle plainte en Suisse, pour calomnie cette fois. / 19h30 / 2 min. / le 4 décembre 2019
Après avoir saisi la justice pour viol en avril 2018, la plaignante suisse attaque désormais l’intellectuel pour calomnie, a appris la RTS. En cause: des propos qu’il a tenus dans son livre "Devoir de vérité".

Dans cet ouvrage de quelque 300 pages, Tariq Ramadan revient sur "l’ouragan qui s’est abattu" sur sa vie depuis la première plainte pour viol déposée à son encontre en octobre 2017, en France.

L’islamologue écrit que cet ouvrage "n’est pas un plaidoyer" pour sa défense, mais qu’il répond "à des questions essentielles", notamment "pourquoi les plaignantes ont menti".

Et Tariq Ramadan consacre quelques pages à la plaignante suisse, dont il ne donne pas le nom mais le pseudonyme. Il écrit que, dans un premier temps, cette femme ne souhaitait pas porter plainte contre lui, mais simplement "dénoncer un comportement". Il s’interroge ensuite sur "les motifs qui l’ont fait soudain changer d’avis".

"Importante rétribution"

Il écrit alors, et c’est ce passage qui est à l’origine de la plainte pour calomnie déposée le 22 novembre, que dans l’entourage proche de la plaignante, il se dit qu’elle aurait décidé de porter plainte pour viol parce que "des individus l’auraient poussée à agir ainsi contre une importante rétribution".

>> Lire : Tariq Ramadan saisit le TF pour empêcher une plaignante de parler

Dans sa plainte, que la RTS a pu consulter, la plaignante écrit: "Tariq Ramadan m’accuse ainsi d’avoir dénoncé des faits dont je connaissais la fausseté, en échange d’argent et sous influence. Cette accusation, objectivement fausse, ce que Tariq Ramadan sait, est attentatoire à mon honneur".

Cette Suissesse, représentée par Mes Robert Assaël et Alec Reymond, a déjà déposé une plainte contre Tariq Ramadan en avril 2018. Elle accusait alors l’islamologue de l’avoir séquestrée et violée dans un hôtel genevois en octobre 2008.

Cinq mois après le dépôt de cette plainte, le ministère public genevois avait ouvert une instruction pénale pour viol et contrainte sexuelle en septembre 2018. Mais, à ce jour, il n’a pas encore auditionné Tariq Ramadan.

Obligé de rester en France

Pour mieux comprendre cet élément qui peut surprendre, il faut se rappeler qu’en avril 2018, date à laquelle la plaignante suisse a porté plainte, Tariq Ramadan était incarcéré en France où il est également poursuivi pour viols. Il y a eu des échanges de courriers entre la France et la Suisse, mais les autorités françaises, en janvier 2019, ont fini par refuser de lever l’interdiction de quitter le territoire français de Tariq Ramadan, "en raison du risque de soustraction de l’intéressé à la justice française".

En mars 2019, le Ministère public genevois a alors envoyé une copie du dossier au procureur de Paris afin qu’une confrontation entre Tariq Ramadan et la plaignante suisse soit organisée. Cette confrontation n’a toujours pas eu lieu.

La plaignante suisse et ses avocats estiment que le Ministère public genevois manque de célérité dans cette affaire. Ils ont donc déposé un recours contre "l’inactivité et le déni de justice" du Parquet. Mais, dans un arrêt du 30 août 2019, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté ce recours rappelant notamment qu’il n’appartient pas aux parties de dicter au ministère public "l’ordre ou le calendrier de ses investigations".

Refus d’ordonner le silence

Dans ce volet suisse de l’affaire, Tariq Ramadan, défendu par Mes Guerric Canonica et Pierre de Preux, a lui aussi saisi la justice - la première fois, en juin et juillet 2018. Il demandait alors au Ministère public genevois d’ordonner à la plaignante de garder le silence sur la procédure dirigée contre lui, une demande à laquelle le ministère public a refusé d’accéder.

Après un aller-retour entre la Cour de justice et le Tribunal fédéral, cette demande est de nouveau pendante devant le Tribunal fédéral. Tariq Ramadan a en effet recouru contre l’arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du 3 juillet 2019, qui a rejeté sa demande. Dans cet arrêt, la Cour de justice relève que "hormis l’audition de leur cliente par la police, les avocats de la plaignante n’ont pas donné de détails sur les opérations entreprises par le ministère public, pour la bonne raison qu’ils se sont vu refuser l’accès au dossier le 25 juillet 2018".

Interrogé par le 19h30, Me Robert Assaël, avocat de la plaignante suisse avec Me Alec Reymond, fustige l’attitude de Tariq Ramadan: "C’est un comble de demander à une victime, qui ne s’est jamais exprimée d’ailleurs, le silence, alors que d’un autre côté, on publie un livre de quelques centaines de pages, dans lesquelles on traite les victimes de menteuses".

Contactés, les avocats de Tariq Ramadan, Mes Guerric Canonica et Pierre de Preux, ont refusé de s’exprimer à la fois sur le silence de la plaignante réclamé par Tariq Ramadan et sur la plainte pour calomnie.

Fabiano Citroni/oang

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