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Le Léman Express, élément-clef pour l'unification du Grand Genève?

Le Léman Express, élément-clé pour l'unification du Grand Genève? (vidéo)
Le Léman Express, élément-clé pour l'unification du Grand Genève? (vidéo) / L'éclairage d'actualité / 3 min. / le 17 février 2020
Quelles sont les relations entre Genève et son voisin français, deux mois après l'inauguration du Léman Express? Ce RER transfrontalier doit concrétiser l’idée d’une grande agglomération franco-valdo-genevoise: le Grand Genève.

Les frictions continuent d'apparaître entre Genève et la France voisine, une région où tout semble si proche... et pourtant si loin, parfois. Des tensions qui subsistent malgré l'entrée en fonction du Léman Express en décembre dernier, pour relier les habitants de cette agglomération de plus d'un million de personnes.

Il y a bien sûr la question des frontaliers, qui revient régulièrement sur la table. Et tout récemment, deux exemples parlants. La semaine dernière, un recours a été déposé par la Ville de Genève contre un projet autoroutier côté français. Et en début d'année, la bisbille autour de la centrale nucléaire du Bugey, située toute proche du Grand Genève, a été relancée: le canton et la Ville, qui souhaitent voir fermer cette installation, s’opposent à la construction de deux nouveaux réacteurs sur le site.

Un outil du vivre-ensemble?

Il est encore un peu tôt pour dire si l'arrivée du tant attendu RER est le remède miracle pour "adoucir" les relations dans la région. Mais certains le pensent déjà. Certes, le Léman Express peut être un outil, mais il ne résoudra pas à lui seul la question du vivre ensemble dans le Grand Genève, estime par exemple Antoine Vielliard, maire de St-Julien-en-Genevois, côté français.

"Il ne suffit pas d'un train. Il faut beaucoup plus pour que les gens aient envie de vivre ensemble. Il faut faire tomber des barrières dans les têtes. Or, moi ce que je constate, c'est que, depuis quelques années, ces barrières se sont, au contraire, érigées", estime-t-il.

A ses yeux, "il y a une partie des Genevois qui nient qu'il y a une agglomération, et qui nient même l'existence du Grand Genève... qui est pourtant une réalité depuis des siècles. Donc s'il n'y a pas cette conscience commune, c'est difficile de comprendre l'autre, et donc de traiter ensemble nos problèmes communs".

Il ne suffit pas d'un train. Il faut beaucoup plus pour que les gens aient envie de vivre ensemble.

Antoine Vieillard, maire de Saint-Julien-en-Genevois

A l’inverse, d’autres sont plus optimistes, comme le député socialiste genevois Thomas Wenger. Pour lui, le Léman Express va modifier les mentalités. "On a maintenant un vrai trait d'union entre le canton de Genève, la France voisine et le canton de Vaud. Et tout cela va amener à beaucoup plus de relations entre les autorités, mais surtout entre les populations qui vont, grâce au Léman Express, se mélanger de plus en plus", souligne-t-il.

On a maintenant un vrai trait d'union entre le canton de Genève, la France voisine et le canton de Vaud.

Thomas Wenger, député socialiste genevois

Des institutions au fonctionnement complexe

Mais pourquoi semble-t-il si difficile de trouver des solutions communes? Selon Jacqueline de Quattro, ancienne ministre vaudoise désormais conseillère nationale, le Grand Genève est tout simplement l'agglomération la plus compliquée de Suisse à gérer. L'élue PLR a été vice-présidente pendant plusieurs années d'une sorte d'exécutif de la région: le groupement local de coopération transfrontalière. Elle y a arbitré de nombreuses discussions.

Cela prend du temps de construire une région. C'est déjà compliqué au sein d'un village... imaginez au sein d'une agglomération qui compte un million de personnes!

Jacqueline de Quattro, conseillère nationale (PLR/VD), ancienne vice-présidente de groupement local de coopération transfrontalière

"D'abord, on n'avait pas toujours les mêmes personnes autour d'une table, ce qui complexifie la prise de décision. Les conseillers d'Etat en charge, qu'ils soient vaudois ou genevois, changent périodiquement. Ensuite, vous avez un pouvoir centralisé en France, qui fait que chaque décision prise en périphérie doit remonter jusqu'à Paris (...). Moi, je suis positive, mais c'est vrai que cela prend du temps de construire une région. C'est déjà compliqué au sein d'un village... imaginez au sein d'une agglomération qui compte un million de personnes!", explique-t-elle.

Ces difficultés institutionnelles poussent certains à imaginer la création d'une entité politique plus forte dans la région, comme un Parlement transfrontalier. L’idée vient d'être relancée par une association au nom rassembleur: "Genevois sans frontière".

Adrien Krause/jvia

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"De petits soucis de jeunesse"

Le Léman Express, une "solution miracle" pour le vivre ensemble dans l'agglomération genevoise? "C'est un outil qu'on attendait depuis 1881. Il n'aura fallu que 130 ans pour l'obtenir... enfin !", répond Claude Barbier, historien franco-suisse et spécialiste du Grand Genève, invité lundi de La Matinale de la RTS.

"On peut lire ici ou là qu'il y a des difficultés. Mais quel outil neuf n'a pas de petits soucis de jeunesse? Le Léman Express, comme d'autres infrastructures, en connaît, mais cela sera résolu les prochains mois, au pire les prochaines années", estime celui qui est aussi élu municipal à Viry, en Haute-Savoie.

Pour lui, le Léman Express "crée du lien" et "la notion de frontière est abolie". Mais cela ne signifie pas pour autant que tout fonctionne sans difficulté. Comme Jacqueline de Quattro, il souligne les complications qui surviennent lorsqu'un état fédéral et un état centralisé doivent collaborer. "Et puis il y a une histoire partagée, mais à coups d'épée, entre la Savoie et Genève. Donc il faut du temps pour arriver à arranger les points de vue", rappelle l'historien.

"Mais au fond, on peut voir des frictions à tous les niveaux: entre Vaud et Genève, entre le canton et les communes genevoises, ou entre la Ville de Genève et les communes périphériques", estime Claude Barbier.

Son interview complète dans La Matinale: