A Champ-Dollon, prison la plus surpeuplée du pays, il y a environ 650 détenus pour 400 places. Pour l’avocate Catherine Hohl-Chirazi, présidente de la Commission de droit pénal de l’Ordre des avocats de Genève, ce "confinement extrême" présente un risque sanitaire important et pourrait conduire à une propagation du coronavirus dans l’enceinte pénitentiaire à la vitesse grand V.
Interrogée par le 19h30, elle demande aux autorités de faire le nécessaire pour vider la prison. "Nous demandons aux autorités d’intervenir urgemment, de lever le pied sur les arrestations, par exemple les personnes en situation irrégulière avec des antécédents et les petits trafiquants de drogue, afin de désengorger autant que possible la prison et d’éviter de nouveaux arrivants", dit l’avocate.
"Critères revus"
Selon l’enquête du 19h30, le Ministère public genevois, qui dirige la politique pénale, a pris des mesures qui vont dans ce sens. Questionné, il a répondu aux questions de la RTS par courriel. "Les critères de mise à disposition par la police des personnes arrêtées ont été revus par le Procureur général de manière à diminuer le nombre des personnes susceptibles d'être mises en détention. Il n'en demeure pas moins que la sécurité publique doit être assurée et que les auteurs d'infractions d'une certaine gravité seront toujours arrêtés et incarcérés", écrit le Ministère public.
Concrètement, cela signifie que le procureur général, Olivier Jornot, demande aux forces de l’ordre de concentrer leurs efforts sur les délinquants qui font courir un risque à la société. Le Ministère public a pris d’autres mesures destinées à désengorger Champ-Dollon. "Le Procureur général a validé les propositions faites par le directeur général de l'Office cantonal de la détention visant à limiter les incarcérations en exécution de peine, en renonçant à convoquer les personnes concernées par des conversions d'amendes ou de peines pécuniaires, ainsi que les personnes devant purger une peine qui ne sont pas aujourd'hui détenues", fait savoir le Ministère public.
Jeudi, personne n’avait été testé positif au coronavirus au sein de la prison genevoise ou dans une autre prison romande.
Fabiano Citroni
Quelles mesures ont été prises par les prisons pour empêcher la propagation du coronavirus?
Genève
Les visites des proches des détenus, mais aussi des avocats sont maintenues. Mais l’Office cantonal de la détention prend la température de toute personne pénétrant dans les établissements de détention. Par ailleurs, désormais, tous les détenus ou prévenus qui sont incarcérés à Champ-Dollon sont confinés dans un premier temps. L’établissement s’assure qu’ils ne sont pas contaminés avant de les mélanger avec les autres détenus.
Vaud
Le canton a supprimé toutes les visites à l’exception de celles des avocats. Il a également annulé toutes les sorties et l’accès aux salles de sport n’est plus possible. Selon l’enquête de la RTS, en contrepartie, chaque détenu peut désormais recevoir un colis de 6 kilos par semaine contre un colis de 6 kilos tous les deux mois auparavant. En outre, les détenus n’ont plus à payer les timbres-poste quand ils écrivent à des proches.
Fribourg
Les visites physiques ont été supprimées et remplacées par des appels téléphoniques. Les prisons se préparent à utiliser Skype. Les visites étant supprimées, les prisons ont décidé d’augmenter les activités de loisir et de promenade dans les enceintes. Par ailleurs, les personnes à risque sont confinées dans les cellules et ne se promènent pas avec les autres détenus. Quant aux nouvelles personnes détenues, elles font l’objet d’une anamnèse par le service médical. Selon le résultat, elles sont confinées pendant cinq jours.
Valais
Les visites sont suspendues, exceptées celles des avocats. Les prisons prennent la température de toutes les personnes qui pénètrent dans les établissements. Les nouveaux détenus sont confinés dans un premier temps. Dans l’enceinte pénitentiaire, les activités sont maintenues, mais par groupes de petite taille.
Jura
Les visites ont lieu uniquement en parloir vitré et les communications téléphoniques sont privilégiées pour les détenus qui ont l’occasion d’y recourir. Le canton a pris d’autres mesures pour gérer la pandémie dans les établissements, mais ne souhaite pas entrer dans les détails, "pour des raisons de sécurité principalement".
Neuchâtel
Les visites de proches de détenus ont été supprimées, mais l’accès au téléphone va être élargi. Les avocats peuvent toujours venir en prison, mais sont séparés de leurs clients par du plexiglas. Au sein des prisons, il y a moins d’ateliers qu’avant, mais la rémunération des détenus est maintenue. Enfin, les nouveaux arrivants sont mis à l’écart dans un premier temps. Les établissements s’assurent ainsi qu’ils ne sont pas porteurs du virus.