L'Hospice général a pris contact avec la faîtière des agriculteurs genevois, AgriGenève, dès l'instant où il a su que le monde agricole manquait de bras. C'était le 2 avril dernier.
L'institution d'aide aux plus démunis a proposé à AgriGenève une collaboration gagnante-gagnante: d'un côté, l'Hospice fournit aux agriculteurs une main d'œuvre immédiatement disponible. D'un autre, il permet à ses bénéficiaires de l'aide sociale et aux personnes issues de la migration de jouir d'un travail rémunéré. Pour rappel, un auxiliaire agricole touche près de 3300 francs par mois.
Un plan B
Dans un premier temps, AgriGenève n'a pas fermé la porte à la proposition. Avec le confinement et la fermeture des frontières, il régnait une incertitude quant à la possibilité de faire appel aux travailleurs saisonniers. Des Portugais avec qui le monde agricole genevois travaille depuis vingt ans. Dans l'esprit de la faîtière agricole, il s'agissait plutôt d'un plan B.
L'Hospice général a donc lancé un appel auprès de ses bénéficiaires. Résultat: une centaine de personnes se sont montrées intéressées. Leurs dossiers ont dès lors été très rapidement proposés aux agriculteurs. Sans succès.
Entre-temps, AgriGenève a trouvé une solution pour faire venir du Portugal ses 180 travailleurs saisonniers jusqu'à fin juin. Comme la RTS le révélait mi-avril, deux avions de la compagnie Swiss ont alors été affrétés spécialement pour cela. Plus besoin donc de la main d'œuvre de l'Hospice général. Ce qui lui a aussitôt été signifié à son plus grand désarroi, vu le contexte.
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Rendez-vous fin juin
La paupérisation des personnes à l'aide sociale ou issues de la migration est patente en cette période de Covid-19. Les images de longues files d'attente pour accéder à des denrées alimentaires aux Vernets chaque samedi ont fait le tour du monde. L'Hospice général dit aujourd'hui regretter "que les opportunités engendrées par la situation inédite de ce printemps ne se soient finalement pas concrétisées".
L'institution genevoise et AgriGenève ont néanmoins convenu d’un rendez-vous le 22 juin pour voir comment collaborer à l'avenir, et notamment durant les prochaines vendanges. "Si ce partenariat se concrétise, l’Hospice général mettra sur pied une formation pour les bénéficiaires intéressés et dont le profil correspond à ce qui est requis afin de répondre aux exigences de l’agriculture et de la viticulture", précise Bernard Manguin, le porte-parole de l’Hospice général.
Raphaël Leroy/gma
"On ne s'improvise pas agriculteur"
Interrogé dans l'émission Forum jeudi soir, le directeur d'AgriGenève François Erard indique que le choix de faire venir des travailleurs depuis l'étranger n'est pas "délibéré". "Depuis les années 70, nous n'arrivons plus à trouver de main d'oeuvre locale. Les équipes qui sont arrivées à Genève pour travailler dans les vignes durant deux mois viennent depuis 20 ou 30 ans et connaissent le métier, elles sont formées pour ça", déclare-t-il.
"L'agriculture est un métier comme un autre, il faut une formation de trois ans. On ne peut pas s'improviser agriculteur du jour au lendemain. Les besoins de la profession, ce sont des gens qui connaissent le travail", ajoute François Erard, expliquant ainsi sans doute la préférence pour les travailleurs saisonniers dans ce cas précis.
"Nous allons voir dans quelle mesure nous pourrions engager quelques personnes de l'Hospice pour les vendanges ou la récolte des fruits l'automne prochain", promet-il toutefois.
> L'interview de François Erard dans Forum: