"Je me permets de rappeler que l'opération Papyrus a non seulement été un franc succès, mais également une opération minutieusement préparée." Le conseiller d’Etat genevois Pierre Maudet a tenu vendredi à donner sa version des faits à Forum, après les révélations de la RTS sur les dessous de l’opération de régularisation des clandestins, appelée Papyrus.
Effectifs faméliques, absence de directives, validation de dossiers sans contrôles, pression des associations partenaires, ingérence du politique : plusieurs employés ou ex-employés de l’Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) ont dépeint un tableau inquiétant dans le cadre d’une vaste enquête pénale sur des fraudes présumées.
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"On devrait tous être fiers" de Papyrus
"Affirmer que Papyrus n’a pas été minutieusement préparée, c'est dénigrer l'engagement et le travail fourni par les représentants de ces associations, par des fonctionnaires en nombre nettement plus important que ce qui a été rapporté, par des syndicalistes et par toutes les personnes qui se sont engagées dans ce dossier de façon formidable et qui, dès le départ, ont admis qu'il pourrait y avoir des fraudes. Nous n'avons jamais prétendu qu'il n'y aurait pas de tentatives et c'est précisément ce que le SEM confirme."
Et d’ajouter : "Que des dossiers aient pu être validés sur la base de documents qui étaient douteux, c'est possible. C'est le cas tous les jours dans l'administration et on corrige ensuite. Ce que je peux vous dire, c'est qu'au-delà de ce que déclareraient ces fonctionnaires, ce que l'on a défendu dans cette opération, c'est une vision humaniste de la politique. On devrait tous être fiers à Genève d'avoir mis fin à ces situations de précarité, dans un canton qui défend la solidarité et dont l'ADN est l'ouverture sur le monde (...) Si on avait pu renouveler l'opération, qui je le rappelle, n'a donné lieu à aucun appel d'air (ce qui est contesté par les témoignages des employés de l’OCPM, ndlr) et qui a permis de récupérer plus de 15 millions de recettes d'assurances sociales, je pense qu'on aurait évité à beaucoup de familles, à beaucoup de femmes notamment, de devoir faire la queue aux Vernets pour obtenir des sacs alimentaires."
Le SEM avait connaissance de dossiers "douteux"
De son côté, le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) à Berne a affirmé à la RTS avoir été confronté à des dossiers douteux en provenance de Genève, au cours de l'opération Papyrus. "Dans le cadre de l’examen des cas soumis par les autorités genevoises, il a été constaté que certains dossiers étaient susceptibles de contenir de faux moyens de preuve, explique sa porte-parole Emmanuelle Jaquet von Sury. Ces dossiers douteux ont été retournés à l’Office cantonal de la population et des migrations afin que cette autorité procède à des instructions complémentaires."
Le SEM, qui est l’autorité de validation finale des régularisations, admet qu'il "ne peut toutefois exclure que quelques dossiers aient été approuvés sur la base de documents qui, par la suite, se sont avérés faux". C'est déjà ce qu'indiquait jeudi le Département genevois de la sécurité, de l’emploi et de la santé (DSES) dans un communiqué.
Sanctions pénales et administratives souhaitées
Le SEM rappelle que son approbation dans le cadre de Papyrus est limitée à deux ans. A cette échéance, il appartiendra donc à Genève et à l'OCPM de procéder à un nouvel examen, indique-t-il.
"En cas de fraude avérée, l’OCPM peut refuser de prolonger une autorisation de séjour qui aurait été accordée à tort, précise la chargée de communication. L’OCPM peut aussi en tout temps révoquer une autorisation de séjour qui aurait été accordée sur la base de fausses informations. Du point de vue du SEM, il est clair que les personnes qui ont trompé les autorités et produit de faux documents doivent être sanctionnées sur le plan pénal et administratif."
Pas de positionnement sur les sous-effectifs
Le Secrétariat d'Etat aux migrations a par contre refusé de se prononcer sur d'autres dysfonctionnements relevés dans l’enquête de la RTS, comme celui des sous-effectifs. "Ceci relève de l’organisation interne de l’OCPM et des autorités genevoises dans laquelle le SEM ne saurait s’immiscer", fait-il valoir.
Impossible en l'état de savoir s'il était au courant que les fonctionnaires genevois ne pouvaient procéder à des contrôles systématiques des documents qu'ils lui fournissaient. Impossible également de dire s'il cautionnait la pratique genevoise selon laquelle les dossiers avec préavis négatifs remontaient pour validation jusqu'au conseiller d'Etat genevois Pierre Maudet.
Raphaël Leroy/ther