Un "t-shirt de la honte" crée la polémique dans un cycle genevois

Les faits se sont déroulés au cycle d'orientation de Pinchat, à Genève, le lendemain de la rentrée. Deux garçons et dix filles, portant des vêtements jugés "inadaptés" par l'établissement, ont dû revêtir un t-shirt XXL portant l'inscription "J'ai une tenue adéquate" pour pouvoir se rendre en cours.

L'histoire a été révélée par le quotidien Le Courrier, soulignant que ces témoignages ont été recueillis sur la page Instagram de Genève Sexisme.

Contactée par la RTS, la mère de l'une des filles concernées par cette punition a réagi le 30 août dans une missive adressée au Département de l'instruction publique. Selon elle, "ce mode de fonctionnement démontre un abus de pouvoir de la part des adultes ainsi que de l'humiliation, du rabaissement et de la stigmatisation envers des jeunes filles encore en pleine croissance". Elle ajoute: "ma fille avait une tenue correcte et adaptée. Elle était vêtue d'un jeans taille haute, d'un pull à col roulé blanc où l'on voyait légèrement son ventre. Depuis quand le ventre est considéré comme une partie intime? Ne serait-ce pas les adultes qui sexualiseraient ces jeunes adolescentes, encore considérées comme des enfants dans notre système social?"

La mère a reçu une réponse de l'établissement le 2 septembre. Dans cette lettre que la RTS a pu consulter, la direction de Pinchat souligne que "les règles établies (…) sont indépendantes du genre des personnes et s'adressent aux élèves et aux membres du personnel. Le dispositif et le t-shirt ont été discutés, présentés et validés par l'association des parents, le Conseil des délégués d'élèves et la conférence du personnel".

Une loi vestimentaire questionnée

L'article sur la tenue vestimentaire de la loi sur l'instruction publique stipule laconiquement que les élèves doivent porter "une tenue vestimentaire correcte et adaptée au cadre scolaire".

Selon la Verte Marjorie de Chastonay, députée au Parlement genevois et enseignante, cette définition reste vague. "C'est une loi subjective, qui laisse la porte ouverte à une interprétation sexiste". Elle se dit choquée de la sanction choisie par le cycle d'orientation. "Cette décision s'apparente à un lynchage public où l'on stigmatise les filles. On privilégie une loi inadéquate qui favorise le sexisme structurel au lieu d'une pédagogie qui sensibiliserait les garçons sur la question."

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Éduquer sans stigmatiser

Interviewée dans le 19h30, la conseillère d'Etat genevoise Anne Emery Torracinta s'explique:  "Le DIP est très sensible à la question de l'égalité. Il n'existe pas de différence de traitements entre filles et garçons au sein des écoles. Ce qu'on entend par "tenue correcte" peut être mentionné dans des règlements internes aux établissements. Ils sont élaborés entre professionnels, puis explicités et contextualisés dans le cadre d'échanges entre maîtres et élèves". Et de préciser: "Après, éduquer ne veut pas dire forcément stigmatiser. Le t-shirt du cycle de Pinchat n'est pas totalement adéquat et cela fera partie des choses dont la direction rediscutera".

Adéquat ou pas, "le t-shirt de la honte" a déclenché de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux. La majorité des réactions s'accordent à dire que la problématique recouvre un enjeu sociétal plus large, qui touche particulièrement les filles.

>> Écouter le commentaire de Cynthia Gani, cheffe de la rubrique société culture :

>> Ecouter le débat entre entre Michèle Roullet et Eléonore Lépinard dans Forum :

DR

Propos recueillis par Gilles de Diesbach, Julie Conti et Sarah Jelassi

Adaptation web: Sarah Jelassi