F*, femme de ménage et nounou, habite dans un appartement vétuste d’une vingtaine de mètres carrés dans le centre de Genève qu’elle partage avec cinq autres clandestins philippins.
Pour ce logement avec une petite cuisine, une toilette-douche, une chambre exiguë avec trois lits superposés, le loyer officiel est de 1130 francs. Mais c'est 2000 francs que ces locataires devaient payer tous les mois. En tant que sans-papiers, "on n'a pas le choix, on prend ce qu'il y a", témoigne F* dimanche dans le 19h30.
Plus de 20'000 francs par mois de bénéfices
La RTS a appris que F* et une vingtaine d’autres victimes présumées ont porté plainte contre Mme K* depuis le début de l’enquête.
Cette enquête, dont les faits s’étalent entre 2018 et 2019, a été démarrée l’an dernier par la Brigade de lutte contre la traite (BPTI). À ce jour on parle d'une trentaine d'appartements et de chambres à des prix prohibitifs grâce auxquels Mme K* aurait amassé plus de 20'000 francs par mois.
Incarcérée depuis le mois de mars
Prévenue d’usure, avec son mari dans un premier temps, Mme K*. assume aujourd’hui seule les faits qui lui sont reprochés. L’homme a en effet été libéré.
Mme K*, qui est incarcérée depuis le mois de mars , conteste les infractions que le ministère public lui reproche. Sa détention vient d’être prolongée de deux mois pour éviter tout risque de collusion.
Du côté des avocats de la prévenue, Me Yaël Hayat estime cette détention préventive "excessive", parce que sa cliente est entrée enceinte en prison et qu’elle y a accouché.
Stéphane Grodecki, le premier procureur en charge du dossier, n’a pour sa part pas souhaité faire de commentaires à ce stade.
Le nom d'une régie revient souvent
Les conseils légaux des parties civiles comme Me Maulini saluent quant à eux "le courage qu’il leur a fallu pour sortir de l’ombre et porter plainte, vu leur statut de clandestins".
Me Maulini s’interroge aussi sur le rôle de régies impliquées dans ce dossier: "Comment est-il possible de louer autant d’appartements à la même personne", mais aussi à la même régie? En effet, dans ce dossier complexe, c’est souvent le nom d’une même régie qui revient.
La RTS a contacté cette importante régie de la place genevoise à de nombreuses reprises. Après une semaine de démarches, son directeur s'est finalement exprimé quelques minutes au téléphone. Il s’est déclaré victime dans cette affaire et n’a pas donné suite aux questions écrites qui lui ont été soumises.
La régie était-elle au courant de ces dizaines de sous-locations abusives? La suite de l’enquête et des auditions devrait le déterminer. Selon les informations de la RTS, en tout cas une perquisition a eu lieu dans les locaux de celle-ci il y a deux semaines.
Attente et incertitude
De leur côté, F* et les autres parties civiles attendent avec la crainte d’être expulsés de leur logement et de se retrouver à la rue. "C’est bien que la justice s’en occupe, mais ça amène aussi des problèmes, des complications, du stress. Nous, on est juste ici pour gagner de l’argent, pas pour tous ces soucis, mais on espère que ce sera terminé le plus vite possible."
Les auditions toucheraient à leur terme et le procès pourrait démarrer au début de l’année prochaine. Si elle est reconnue coupable, la prévenue risque jusqu’à un maximum de 10 ans de réclusion.
*Noms d'emprunt
Romain Miranda/boi