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Maltraitance, pressions, humiliations, l'audit qui accuse Pierre Maudet de "comportement indigne"

Le conseiller d'Etat Pierre Maudet accepte son exclusion du PLR genevois. [Keystone - Martial Trezzini]
Maltraitance, pressions, humiliations, l'audit qui accuse Pierre Maudet de "comportement indigne" / La Matinale / 3 min. / le 30 octobre 2020
Selon le rapport intermédiaire que la RTS a pu consulter en partie, les dysfonctionnements au sein du Département du développement économique genevois ont été jugés si graves que les mesures de santé et de sécurité au travail ne pouvaient plus être garanties.

Le rapport confidentiel consacré à la gestion de l’unique service qui avait été laissé en mains de Pierre Maudet fait 11 pages et il est signé par une consultante privée en date du 20 octobre. Selon des extraits de ce rapport consultés par la RTS, la consultante a estimé que la situation était à ce point dégradée qu’il fallait agir d’urgence: "Au vu de mon expérience professionnelle et prenant en considération l’extrême gravité des propos recueillis au cours de 18 entretiens, des risques encourus par les collaborateurs et des issues fatales craintes par plus de la moitié d’entre eux, j’ai pris, en pleine conscience, la décision d’informer mon mandant (…)".

Il est fait allusion ici au risque de suicide d’un collaborateur mais aussi d’un geste violent contre Pierre Maudet lui-même. "Il était pour moi impératif que je ne demeure pas la seule dépositaire de ces témoignages", argumente la consultante. C’est ainsi qu’elle a accéléré la remise de son audit directement à son mandant, l’Office du personnel, sans passer par une "restitution du diagnostic" auprès de Pierre Maudet.

>> Lire aussi : Le conseiller d'Etat genevois Pierre Maudet démissionne mais se représente

Un comportement qualifié d’ "indigne"

Le magistrat apparaît comme le principal responsable des dysfonctionnements. "Le présent rapport de diagnostic de la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l’innovation montre que le comportement de M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat, est indigne", affirme la consultante.

Mais, surtout, elle conclut que la maltraitance dans la gestion de ce mini-département (une trentaine d’employés) a atteint un tel niveau que "les directives MSST (mesures de santé et de sécurité au travail) découlant de la LAA (loi fédérale sur l’assurance accidents) ne sont pas respectées. La protection de la santé physique et psychique des collaborateurs (…) n’est pas assurée".

C’est donc en raison de cet audit accéléré et de ses conclusions alarmantes que le Conseil d’Etat genevois a décidé d’interdire désormais à Pierre Maudet de diriger du personnel. Les témoignages anonymisés compilés par la consultante laissent entrevoir des collaborateurs qui estiment être devenus les souffre-douleur d’un magistrat "frustré".

"Monsieur Maudet se trompe de cible car il est lui-même à l’origine de ses déboires (…)" , analyse un des 18 employés interrogés. "Peur" et "terreur" sont aussi des mots qui reviennent. "Nous subissons de la maltraitance, des pressions (…) des humiliations devant tout le groupe", détaille un témoin. La cheffe de cabinet de Pierre Maudet et leurs "jeux de pouvoir" sont aussi dénoncés, tout comme le style "militaire et dictatorial" du conseiller d’Etat. Un employé va même jusqu’à raconter qu’il a peur de le croiser physiquement: "L’ambiance est lourde et je crains de sortir de mon bureau pour aller aux toilettes, avec le risque de croiser le magistrat".

>> En parallèle, les partis genevois s'organisent face à l'élection complémentaire, écouter le sujet du 12h30 :

Pas de vague de démissions au PLR genevois après l'exclusion de Pierre Maudet [Keystone - Martial Trezzini]Keystone - Martial Trezzini
Les partis genevois s’organisent pour l’élection complémentaire au Conseil d’Etat / Le 12h30 / 1 min. / le 30 octobre 2020

"Nous n'avions pas le choix"

Invitée de la Matinale, Nathalie Fontanet, ministre genevoise des Finances et désormais temporairement en charge du département du développement économique enlevé à Pierre Maudet, estime que le Conseil d'Etat était dans l'obligation d'agir.

"Je n'entends pas me prononcer sur le contenu de ce rapport confidientiel", note l'élue PLR. "En revanche, ce que je peux vous dire, c'est que le gouvernement a actuellement beaucoup de choses à faire. Il y a énormément d'attentes de la population. On vit une crise sanitaire, une crise économique, des personnes perdent leur emploi et certaines n'ont plus de revenus. Croyez bien que si nous avons pris cette décision, c'est que nous n'avions pas le choix."

Amenée également à se prononcer sur la démission de Pierre Maudet, Nathalie Fontanet se dit "surprise", ajoutant que le travail collégial du Conseil d'Etat risque de s'avérer difficile "aux côtés de quelqu'un qui est en campagne".

La ministre juge néanmoins que c'est une "bonne nouvelle pour la démocratie": "L'essence même de la démocratie est le fait que le peuple puisse se prononcer. Pierre Maudet verra dans ce contexte quel est le soutien que le peuple lui apporte ou pas et il aura, s'il est réélu, une complète légitimité par rapport au passé. Dans le cas contraire, il devra en prendre acte", fait-elle valoir.

>> L'interview intégrale de Nathalie Fontanet dans La Matinale :

Pierre Maudet démissionne pour se représenter: interview de Nathalie Fontanet
Pierre Maudet démissionne pour se représenter: interview de Nathalie Fontanet / La Matinale / 9 min. / le 30 octobre 2020

Ludovic Rocchi

Propos recueillis par Valérie Hauert

Adaptation web: Tristan Hertig

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