"Je suis difficilement influençable. J'évacue ce risque assez facilement", a indiqué Pierre Maudet, en maintenant sa ligne de défense devant le tribunal qui l'entendait pour la première fois. "J'affronte les choses debout, Madame la présidente", a notamment déclaré le conseiller d'Etat, qui a répondu durant plus de quatre heures aux questions qui lui étaient posées.
Debout, calme, prenant le temps de répondre précisément aux questions de la présidente, le conseiller d'Etat a aussi joué la carte de l'émotion. Il a déclaré appréhender ce procès "avec une certaine impatience" et a rappelé le calvaire qu'il vit depuis trois ans, dont il assume la responsabilité, et la difficulté de se retrouver sur le banc des accusés. "On ne ressort pas indemne de pareille tempête", a-t-il indiqué. "J'ai dû me faire aider, ce qui n'est pas dans ma nature. Je suis aujourd'hui davantage conscient de mes lâchetés. Sous le magistrat, il y a toujours un homme."
Jamais un conseiller d'Etat romand n'avait eu à répondre, dans l'exercice de ses fonctions, d'une infraction de cet ordre devant un tribunal. Qui plus est en campagne électorale.
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Pour promouvoir le canton
Après ce quart d'heure d'introspection, il a été question du voyage émirati du magistrat en 2015, payé par la famille royale et qualifié d'acceptation d'un avantage par le Ministère public. "Je réfute cette accusation", a affirmé Pierre Maudet, assurant s'être rendu à Abu Dhabi pour promouvoir son canton et resserrer les liens avec les Emirats arabes unis. Et rien d'autre.
Le conseiller d'Etat dit n'avoir appris que plus tard que ce séjour luxueux, pendant le Grand Prix de Formule 1, était entièrement offert. Il l'évalue à 10'000 francs, alors que son coût est cinq fois plus élevé. "Je n'ai pas poussé la curiosité plus loin." Il a bien envisagé d'y renoncer, mais "les Emirats étaient un objectif important." Et il avait peu vu sa famille en 2015: "Le risque de l'exposer était minime."
Au printemps 2016, les médias ont commencé à l'interroger sur ce voyage. Le magistrat a menti, craignant pour son image. "J'ai eu une réaction stupide en affirmant qu'il avait un caractère privé. Mais sa dimension officielle était très importante. Habiller ce voyage en voyage privé m'a permis de le soustraire aux regards de l'opinion publique", a-t-il justifié. Et d'ajouter qu'il a menti pour deux raisons: d'une part parce qu'il se sentait mal à l'aise de prendre sa famille dans ses bagages et d'autre part parce qu'il craignait pour l'image que ce voyage pouvait donner aux yeux du grand public. "Mentir était stupide, je le concède", souffle-t-il encore.
Pas de risque dans cette invitation
Le conseiller d'Etat a aussi raconté ne pas avoir vu un risque dans cette invitation par un Etat étranger, dans la mesure où les liens qu'il entretenait avec les Emirats étaient quasi inexistants. "Lorsque j'ai rencontré pour la première fois le prince héritier, quelques mois avant le voyage, je n'y ai vu ni agenda, ni dossier qui nécessitaient une prise de position de ma part", assure-t-il.
A la question de savoir pourquoi il a versé 4000 francs aux églises, Pierre Maudet a répondu que "le budget des vacances en famille n'avait pas été dépensé. Ce n'est pas un don expiatoire."
Quant à l'intervention de ses deux amis dans l'organisation du séjour, des amis qui n'hésitaient pas à le solliciter par ailleurs, il n'y voit pas de problème non plus. Sans eux, le voyage est peu probable, concède-t-il, "mais je serais revenu à la charge par un autre moyen. Si le voyage se faisait grâce à eux ou à d'autres tant mieux, s'il ne se faisait pas, tant pis".
Même position sur le sondage
A propos du sondage de 34'000 francs, Pierre Maudet estime qu'il fait partie de la même catégorie que les autres soutiens électoraux qu'il a reçu par le passé - dont certains ont bénéficié d'un classement dans la même procédure. Pour lui, il s'agit de soutiens parfaitement usuels pour des personnes qui appuient son action politique, quand bien même ils le sollicitaient par ailleurs. "De façon générale, affirme-t-il, je ne me sens pas redevable à l'égard de mes différents donateurs."
Le procès se poursuit mercredi avec l'audition de témoins, dont l'épouse de Pierre Maudet. Le procureur rendra ensuite son réquisitoire.
ebz/boi avec R.Leroy et ats