Les magistrats doivent-ils cesser de rétrocéder une partie de leurs revenus à leur parti politique? Cette question est ouvertement posée à Genève. Des députés MCG ont déposé ce mois-ci au Grand Conseil un projet de loi pour interdire cette pratique, selon une information de la RTS. Ils y voient une atteinte à l'indépendance de la justice.
Pratique controversée
En Suisse, les juges et procureurs restituent bien souvent une part de leurs revenus aux partis qui les ont fait élire. C’est le cas des juges fédéraux, mais aussi de divers magistrats cantonaux, comme à Genève. Cette coutume helvétique est pourtant contestée.
Le Groupe d'Etats contre la corruption du Conseil de l'Europe (GRECO), dont la Suisse est membre, dénonce cet usage. Dans un rapport intitulé "Prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs" publié en mars 2017, il estime que cette pratique "est une forme de rétrocession clairement contraire au principe d’indépendance et à celui qu’il implique d’impartialité".
Statu quo malgré les critiques
Par conséquent, il recommande "de supprimer la pratique consistant pour les juges des tribunaux de la Confédération à verser une partie fixe ou proportionnelle du montant de leur traitement aux partis politiques". Sans grand succès pour l'heure.
A Genève, la pratique perdure. Ce qui est intolérable aux yeux de l'élu MCG François Baertschi. Il demande avec son collègue Sandro Pistis que la Loi genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ) soit modifiée. "C’est un grave problème d’avoir cette rétrocession qui enlève l’indépendance aux juges, qui crée beaucoup de soupçons, notamment de corruption, comme le dit très clairement le GRECO", estime-t-il.
Montants peu importants
Les deux plus grands partis du Grand Conseil genevois, le PLR et le PS, admettent recevoir chaque année de l'argent de leurs magistrats en place. Le président des libéraux-radicaux du canton parle de montants symboliques. Bertrand Reich n'y voit donc pas une atteinte à leur indépendance. "Jamais, dit-il, un juge n'interfère dans le politique et inversement".
Une position partagée par la co-présidente du Parti socialiste genevois, Lydia Schneider-Hausser. "On a introduit une somme forfaitaire pour tous les juges (moins de 60 000 francs par an, ndlr). Ils décident entre eux ce qu’ils mettent dans cette somme et comment ils se répartissent cela. Du coup, on ne va pas faire pression sur l’un ou sur l’autre pour qu’il juge telle situation de telle manière. Leur indépendance est quelque chose d’évident à mes yeux."
Troisième tentative
C'est déjà la troisième fois que le Mouvement citoyens genevois s'attaque à la politisation de la justice à Genève. Un canton où, faut-il le rappeler, le procureur général est élu par le peuple sur une étiquette politique.
En 2016, le MCG avait proposé d’abolir l’affiliation des juges cantonaux à un parti. En vain. Sa proposition visant à ce que seul un tiers des juges soit hors partis n’avait pas recueilli plus de succès.
Raphaël Leroy