Modifié

Payer pour visiter, la pratique de chasseurs d'appartements qui dérange

Des agences genevoises de relocation demandent des centaines de francs à des locataires pour visiter des appartements. Polémique
Des agences genevoises de relocation demandent des centaines de francs à des locataires pour visiter des appartements. Polémique / 19h30 / 2 min. / le 26 avril 2021
Des agences de relocation établies à Genève obligent des locataires à payer des centaines de francs pour visiter des logements, révèle lundi une enquête de la RTS. L’Asloca dénonce "des pratiques scandaleuses".

Stéphane ne s’en est pas encore remis. Il y a quelque temps, ce Genevois, la trentaine, marié, deux enfants, repère une petite annonce sur le site Anibis. "Cet appartement avait une pièce de plus que le mien et il était bien situé. J’ai décidé de demander des renseignements à la personne de contact", explique-t-il.

Cette personne est employée par une agence de relocation. "Au téléphone, elle me dit que je peux découvrir l’appartement quand je veux, mais que je dois verser 350 francs dans les vingt-quatre heures précédant la visite", raconte-t-il.

Je ne conçois pas de payer ne serait-ce qu’un franc pour mettre les pieds dans un appartement!

Stéphane

Stéphane tombe des nues. "On me demande de l’argent pour visiter un bien alors que je ne sais même pas si ce bien m’intéressera, c’est hallucinant." Le Genevois fait part de sa surprise et de sa colère à l’agence.

Payer pour visiter? Jamais

L’employée lui répond alors qu’en versant un tel montant, il a la garantie de pouvoir visiter plusieurs appartements proposés par l’agence pendant deux mois. "Elle ajoute que son agence a l’exclusivité sur la location de ce bien et qu’elle ne soumettra que trois ou quatre dossiers à la régie, ce qui augmenterait mes chances d’obtenir l’appartement. Je lui ai répondu que je ne souhaitais pas visiter plusieurs logements pendant deux mois, mais que j’étais intéressé par cet appartement précis. Elle n’a rien voulu entendre", déplore Stéphane.

Ce père de famille a alors renoncé à visiter ce bien. "Je ne conçois pas de payer ne serait-ce qu’un franc pour mettre les pieds dans un appartement."

"J’étais scandalisée"

Dans cette histoire, ce qui est intéressant, c’est que cet appartement a d’abord fait l’objet d’une petite annonce mise en ligne par la locataire qui occupait les lieux et voulait remettre son bail.

La RTS a retrouvé cette locataire. "J’ai effectivement publié une petite annonce avec mon numéro de téléphone. Dans le quart d’heure qui a suivi, j’ai été approchée par cette agence de relocation. Elle m’a dit qu’elle pouvait s’occuper de trouver des repreneurs solvables et de faire des visites groupées. L’agence a précisé que cela ne me coûterait rien. J’ai alors accepté sa proposition", détaille Carole.

A la demande de l’agence, Carole retire alors sa petite annonce. Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que l’agence va demander 350 francs aux repreneurs intéressés. "Quand je l’ai appris, j’étais scandalisée. J’ai contacté cette société et je lui ai ordonné de retirer son annonce. Il est hors de question que des gens passent à la caisse pour une visite", tempête Carole.

Ces pratiques parasitaires et scandaleuses commencent à fleurir lorsqu’on a des crises du logement comme celles que l’on connaît dans beaucoup de villes en Suisse.

Christian Dandrès, avocat à l’Asloca-Genève

L’enquête de la RTS montre qu’à Genève, quatre agences en tout cas ont une pratique similaire. On peut la schématiser ainsi: un locataire publie une annonce pour remettre son bail; l’agence l’appelle dans les minutes qui suivent et propose de trouver un repreneur; le locataire retire alors son annonce et l’agence en publie une nouvelle.

C’est ainsi que toutes les personnes intéressées par ce bien ont l’obligation de passer par l’agence et de payer pour le visiter. Selon nos recherches, des centaines d’appartements sont concernés par cette pratique.

"Pratiques parasitaires"

A l’Asloca, on se montre très sévère vis-à-vis de ces méthodes. "Ces pratiques parasitaires et scandaleuses commencent à fleurir lorsqu’on a des crises du logement comme celles que l’on connaît dans beaucoup de villes en Suisse. Pourquoi un locataire serait-il contraint de payer une entreprise qu’il ne connaît pas, à laquelle il n’a demandé aucun service et qui du reste ne lui fournit aucun service?", s’emporte lundi dans le 19h30 Christian Dandrès, avocat à l’Asloca-Genève et conseiller national socialiste.

>> Voir son interview dans le 19h30 :

Christian Dandrès: "Ces pratiques parasitaires et scandaleuses commencent à fleurir lorsqu'on a des crises du logement"
Christian Dandrès: "Ces pratiques parasitaires et scandaleuses commencent à fleurir lorsqu'on a des crises du logement" / 19h30 / 2 min. / le 26 avril 2021

Dans le cadre de cette enquête, la RTS a contacté plusieurs agences de relocation qui pratiquent de la sorte, mais aucune n’a souhaité s’exprimer face caméra. Au téléphone, elles font savoir qu’elles ne voient pas où est le problème et que les locataires sont libres de passer ou non des contrats avec elles.

Au sein de l’Association suisse des agents de relocation, on porte aussi un regard critique sur ces pratiques. Membre du comité, Guillaume Bédat tient d’abord à préciser que le marché est libre et que n’importe qui peut prétendre faire de la relocation. Mais il insiste sur le fait que, pour la faîtière, cette façon d’agir ne peut être considérée comme de la relocation. "Notre but est d’assister des personnes dans leur recherche de logements, lorsqu’ils sont relocalisés depuis une ville autre que celle où ils vont s’installer. Le but de la relocation n’est pas de faire payer des personnes un certain montant pour visiter un appartement sans finalité ", estime-t-il.

Fabiano Citroni

Publié Modifié