Tout commence en juin dernier, au moment où le certificat sanitaire vient d'être rendu obligatoire par le Conseil fédéral.
Dans le centre de vaccination d'une clinique privée genevoise, un sergent de la protection civile se crée un pass Covid en quelques clics sans pour autant être vacciné. Il s'agit alors du tout premier faux dans cette affaire.
Business juteux et coup d'arrêt
L'idée d'en tirer profit naît dans les semaines qui suivent dans une autre clinique de la région, où le gradé est dépêché. Selon les informations du 19h30, au moins 400 faux certificats y auraient été créés, soit deux fois plus que le chiffre annoncé il y a trois semaines par le Ministère public.
Le business est juteux: les recettes seraient estimées à plus de 120'000 francs. Mais tout s'arrête début octobre avec l'arrestation de cinq hommes, dont le sergent de la protection civile. L'arrestation ferait suite à la dénonciation, auprès de la police, d'une personne qui se serait vantée d'avoir obtenu un faux. Les fraudeurs présumés sont aujourd'hui en détention provisoire dans la prison de Champ-Dollon et prévenus de faux dans les titres et de corruption.
Pour l'heure, les deux cliniques où se sont produits les faits ne sont pas inquiétées par la justice genevoise. Les investigations se poursuivent et d'autres auditions auront lieu prochainement, selon le Ministère public cantonal.
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Un procédé bien rodé
Le réseau démantelé était composé de cinq trentenaires, qui ont tous reconnu leur implication dans l'affaire. Parmi eux, trois astreints de la protection civile: le sergent auteur du premier faux, un caporal et un soldat. Ils se seraient rencontrés via la protection civile.
Comment procédaient-ils? Ils auraient profité de l'accès au programme informatique, ouvert le matin par mot de passe et actif toute la journée, pour entrer les données de personnes non-vaccinées et générer des QR codes. La procédure ne durait que quelques minutes. Selon les informations du 19h30, ces trois prévenus ont pu générer jusqu'à une dizaine de faux certificats par jour.
Lorsqu'ils n'étaient pas engagés par la protection civile, les faussaires devenaient rabatteurs pour ceux en mission dans l'établissement hospitalier. Deux autres personnes, aux profils intéressants, se chargeaient aussi de ramener des clients: un notable qui aurait agi par idéologie, opposé au vaccin contre le Covid, et une personne sans emploi qui aurait agi par appât du gain.
La justice devra déterminer s'il y avait un meneur dans le trio d'astreints à la protection civile. Avocat de l'un des prévenus, Grégoire Rey affirme que le jeune homme "bien sous tout rapport" avait besoin d'argent.
"Il allait entrer dans la police, il devait payer 4000 francs de dette. C'était de l'argent qui tombait du ciel", explique l'avocat. Et de continuer: "C'est une émulation de groupe. On n'est pas dans un système mafieux. Le problème c'est que ça s'est emballé et que c'était facile. Ils se croyaient dans un système d'impunité, un peu comme quand on bidouille une excuse au collège pour un copain contre un peu d'argent. Ils ne s'imaginaient pas que quand on est agent public, tout ce qu'on peut gagner comme argent est considéré comme de la corruption, ce qui est un crime majeur."
Banquiers, entrepreneurs, comtesse...
Les clients sont en bout de chaîne et le système fonctionnait par le bouche à oreille. En moyenne, ils ont payé 400 francs pour un certificat remis en 24 heures. Dans la liste, on trouve notamment des banquiers privés et des entrepreneurs, une comtesse, le fils d'une célébrité française ou encore une chanteuse francophone à petite notoriété.
La police genevoise a déjà mis en prévention des acheteurs de pass frauduleux. Eux aussi risquent gros: jusqu'à cinq ans de prison.
Sujet TV: Flore Amos
Adaptation web: Jérémie Favre
Autorités cantonales démunies face aux fraudes
De l'aveu même des autorités cantonales, pourtant responsables de la surveillance des certificats sanitaires, il est très compliqué d'identifier d'éventuelles fraudes. Elles n'auraient aucun outil de contrôle de la plateforme informatique mise à disposition par la Confédération pour générer les pass sanitaires.
Impossible alors de savoir qui fait quoi sur la plateforme, ni même combien de QR codes sont créés chaque jour, où et par qui.
Le canton de Genève et plusieurs autres cantons romands auraient ainsi remonté cette faille à l'Office fédérale de l'informatique et de la télécommunication. Ils demandent davantage d'accès au système.