Un militant de gauche, d'origine colombienne, a été retrouvé mort à la fin de l'été, à Genève, dans des circonstances troubles. Selon le journal Le Courrier, l'homme est mort d'une balle dans le ventre, ce que la RTS a pu confirmer mercredi.
Le dossier est sensible. Deux mois après les faits, une instruction est toujours en cours pour déterminer les circonstances et les causes de la mort, ce que confirme le Ministère public genevois qui dit vouloir examiner "en temps utile l'opportunité de faire une communication". Selon les informations de la RTS, l'enquête est menée par la Brigade criminelle de la police genevoise car il s'agit d'un décès suspect.
Balle dans l'abdomen
Tout commence à la fin du mois d'août dernier. Alfredo Camelo, un Suisse d'origine colombienne, disparaît sans raison apparente. Très vite, un collectif se met en place pour le retrouver. Il regroupe une quarantaine de personnes, dont plusieurs élus d'Ensemble à Gauche, parti dont le disparu est membre. Des affiches sont placardées et des appels à témoins sont diffusés. En vain, jusqu'au 5 septembre dernier. Ce jour-là, le corps d'Alfredo Camelo est retrouvé sans vie, au bord du Rhône.
Tout porte à croire alors qu'il s'agit d'un suicide, mais très vite, d'autres hypothèses apparaissent. La police genevoise traîne à fermer le dossier et l'enquête se prolonge sans que la famille du défunt n'en comprenne vraiment les motifs. Les forces de l'ordre restent très avares en informations, ce qui fait naître interrogations et conjectures. Jusqu'à ce que des indiscrétions arrivent aux proches de la victime: celle-ci est morte par arme à feu, d'une balle logée dans l'abdomen.
Faits troublants
Cet élément sème le doute: et s'il s'agissait d'un meurtre? Les enquêteurs laissent la porte ouverte à toutes les hypothèses, mais ils n'excluent pas le suicide non plus. D'ailleurs, selon les informations de la RTS, c'est toujours cette piste qui est privilégiée par la Brigade criminelle. Il est en effet tout à fait possible de se donner la mort par ce biais, même si cela est contre-intuitif.
Néanmoins, plusieurs éléments interrogent, raison pour laquelle l'enquête se prolonge. D'abord, la scène de crime. Elle ne correspondrait pas forcément à un suicide, selon les renseignements obtenus par la RTS. Le lieu interpelle également: pourquoi choisir le bord du Rhône pour mettre fin à ses jours si c'est avec une arme à feu? Ensuite, le profil de la victime. Alfredo Camelo était un militant d'extrême gauche, ancien proche des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Il avait fait de la prison en Colombie, avant de demander l'asile en Suisse, en 1998.
Le militant collaborait encore récemment avec la Commission de la vérité colombienne, créée il y a cinq ans via l'accord de paix signé entre le gouvernement et les FARC. La victime aurait pu être une cible dans ce cadre-là, estiment certains proches, d'autant plus que les assassinats de leaders sociaux se multiplient actuellement en Colombie. Un tel meurtre serait toutefois une première en Suisse et en Europe.
Menaces à d'autres Colombiens
Enfin, ce décès intervient dans une période bien agitée. La semaine dernière, un militant suisso-colombien a porté plainte à Genève pour des déprédations opérées sur son véhicule. Son pneu a été perforé et sa jante portait les sigles de la milice paramilitaire colombienne.
Quasi au même moment, une réunion virtuelle de membres d'un parti de gauche colombien a été hackée en Suisse par un homme les menaçant et les insultant. La mort d'Alfredo Camelo est-elle liée à ces événements? Certains, très inquiets, y croient. L'enquête policière le dira.
Raphaël Leroy