Eric Zemmour n’est pas le bienvenu à Genève. Il s'agit de la position officielle des autorités de la Ville, alors que le polémiste français doit venir donner une conférence le 24 novembre. Contacté par la RTS, l'Exécutif communal n'entend pas faire de cadeau au futur candidat à la présidence de la République.
"Sur le principe, sa présence n'est pas la bienvenue", a indiqué sans ambiguïté le Conseil administratif de la Ville. Cette position était très attendue. En effet, une pétition en ligne a été lancée il y a une semaine. Elle demande aux autorités cantonales et communales de "prendre leurs responsabilités" en interdisant la tenue de cette conférence, qui doit se tenir en présence de l'avocat genevois Marc Bonnant.
Le texte évoque notamment les condamnations d’Eric Zemmour. A ce jour, la pétition a dépassé les 1500 signatures.
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Pour la maire de Genève Frédérique Perler, interrogée dimanche dans Forum, "autoriser Monsieur Zemmour à tenir une conférence dans une infrastructure de la Ville de Genève ferait d'une part la démonstration que la Ville de Genève serait complice de la propagation des messages haineux diffusés par ce monsieur et d'autre part contraire aux valeurs défendues par la Ville dans le cadre de ses politiques publiques. Nous serions donc en totale contradiction".
Aucune salle mise à disposition
Ce positionnement de la Ville de Genève ne s’accompagne toutefois pas d’une interdiction formelle. La Municipalité n’en a tout simplement pas le pouvoir. Dans une position officielle qu'elle a fait parvenir vendredi à la RTS, elle rappelle que l'interdiction d'entrée sur le territoire genevois "n'est pas de compétence communale, mais cantonale". C'est donc au Conseil d'Etat de statuer.
En revanche, l'Exécutif municipal indique que la présence d'Eric Zemmour n'est "dans tous les cas" pas opportune "dans un lieu géré par la Ville de Genève". Cela signifie qu'il ne lui mettra aucune salle communale à disposition le 24 novembre.
"Concernant les bâtiments et les salles qui appartiennent à la Ville de Genève, nous avons une certaine liberté de contracter et nous avons la compétence de décider à qui nous louons ces espaces", estime encore Frédérique Perler. Pour l'élue écologiste, "c'est une décision politique, mais c'est surtout une décision de cohérence avec les valeurs de la Ville de Genève, des valeurs d'ouverture et de respect des droits humains".
Les autorités signalent d'ailleurs qu'elles ont déjà refusé la tenue de l'événement dans le restaurant du parc des Eaux-Vives, près de là où a eu lieu le sommet entre les présidents Joe Biden et Vladimir Poutine en juin dernier. Un refus motivé par des raisons sécuritaires, précisent-elles, comme l'a indiqué le journal GHI.
Un terrain glissant
La Ville marche toutefois sur des œufs en se positionnant de la sorte, car il y a un précédent. Il date de 2009 et concerne Dieudonné. En décembre de cette année-là, le Conseil administratif refuse de mettre à disposition de l'humoriste français l'Alhambra, une salle gérée par la Ville. L'Exécutif municipal explique qu'il ne souhaite pas cautionner les provocations de Dieudonné, notamment à l'encontre de la communauté juive. Résultat: l'humoriste saisit la justice. Et il gagne, d'abord devant le Tribunal administratif genevois, puis devant le Tribunal fédéral.
Par deux fois, les juges ont estimé que la décision de la Ville de Genève violait la liberté d'expression. Une position qu'avait également défendue le Conseil d'Etat genevois un an auparavant. Interpellé début 2009 par un député socialiste sur la venue de Dieudonné à Genève, le gouvernement cantonal avait invoqué le droit à la liberté d'expression.
Raphaël Leroy/vic/boi