L'ÉTAT D'ESPRIT DU PERSONNEL SOIGNANT
"La situation est préoccupante", souligne le directeur des HUG Bertrand Levrat, lundi dans Forum. A la suite du Covid-19, un "certain nombre de personnes" ont réorienté leur carrière et leur vie, observe-t-il.
Et d'ajouter: "En même temps, nous avons plein de personnes qui disent à quel point travailler dans le domaine des soins est une passion, un engagement fort."
Bertrand Levrat reconnaît toutefois que concilier la vie professionnelle avec la vie privée "est compliqué" dans un hôpital qui fonctionne 365 jours par an, 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
La situation "reste compliquée"
Au coeur de l'été, les services de soins intensifs pédiatriques et de néonatologie des HUG ont poussé un cri d'alarme en raison des horaires qui se prolongent, la peur de commettre une erreur et des soins laissés de côté.
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La situation "reste compliquée" dans les services "qui nécessitent des compétences très spécialisées", admet Bertrand Levrat. "Dans tous les services de néonatalogie de Suisse romande, la situation a été tendue et reste tendue."
LE SALAIRE
Pour le directeur des HUG, le salaire "fait partie de la reconnaissance". "Il est nécessaire de voir comment reconnaître un travail qui est difficile, technique et profondément humain", explique Bertrand Levrat, qui affirme que les salaires des infirmières et infirmiers sont "25% plus élevés" aux HUG qu'ailleurs en Suisse.
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"Quand on compare le salaire à des professions comme dans l'enseignement, qui exigent le même niveau de formation, on constate que les infirmières et infirmiers gagnent 1000 francs de moins", détaille Philippe Longchamp, sociologue, professeur à la Haute Ecole de Santé Vaud et coauteur du livre "L'espace infirmier".
Et d'ajouter: "Un policier gagne a peu près le même salaire qu'un infirmier. Mais la profession de policier demande deux fois moins d'études qu'une formation en soins infirmiers. Le salaire n'est donc pas tout à fait à la hauteur de ce qui est exigé."
Seuls 10% des infirmières ou infirmiers se disent "satisfaits" de leur revenu, explique Philippe Longchamp.
LA MAIN D'OEUVRE ÉTRANGÈRE
Philippe Longchamp note que 38% des infirmières et infirmiers "ont une nationalité autre que suisse". Le taux de personnes frontalières est de 27% en Suisse romande. "Ce chiffre est de 65% à Genève. Cela montre que nous avons un problème de recrutement", note le sociologue.
Et le directeur des HUG d'ajouter: "Environ 50% des 13'500 employés des HUG habitent en France. On parle beaucoup de ce chiffre, mais il est stable depuis dix ans." Bertrand Levrat rappelle que les HUG engagent "100% des diplômés genevois ou de la région lémanique qui souhaitent venir travailler chez nous".
L'OFFRE DE SOINS
Pour Bertrand Levrat, les HUG doivent être "l'hôpital de référence à disposition de tous les citoyens de la région indépendamment de leur nationalité". "Nous essayons de prendre en compte les demandes nouvelles", explique Bertrand Levrat.
Et d'ajouter: "Aux HUG, nous avons introduit l'hypnose. Au début, il y avait une certaine incompréhension de quelques professionnels. Nous sommes un hôpital universitaire. Nous nous devons de répondre aux patients, à leurs besoins. Et, en même temps, nous nous devons de leur recommander ce qui nous semble juste en fonction de données scientifiques valables."
L'HÔPITAL FACE AU COVID-19
"Le grizzly est actuellement dans la forêt en Allemagne", image Bertrand Levrat. Et de compléter: "Le nombre de patients est susceptible de doubler tous les cinq jours."
Pour le directeur des HUG, le Covid-19 va encore "être avec nous pour quelques mois, voire quelques années. (...) Le Covid-19 a bouleversé nos vies et continue à le faire."
Propos recueillis par Thibaut Schaller et Renaud Malik/vajo