"C’était le prix à payer pour une vie normale", témoigne un acheteur de faux pass Covid
"Ça s'est passé d'une manière très rapide. On m'a demandé mon nom, mon prénom, une date de naissance et en deux jours vous recevez un mail avec le certificat", explique un entrepreneur quarantenaire dans le 19h30. Il fait partie des 460 personnes ayant acheté un pass sanitaire frauduleux à Genève. En septembre, il a payé 800 francs pour obtenir un QR code sans être vacciné.
Une personne de son entourage lui a proposé le faux. Il affirme n’avoir eu aucune idée du procédé employé pour générer son QR code. "Je l'ai utilisé pour voyager, pour des rendez-vous d'affaires, dans des hôtels et pour aller au restaurant", raconte-t-il. "Huit cents francs, c’est cher, mais c’était le prix à payer pour une vie normale."
Ces faux certificats ont été générés et vendus à la chaîne par cinq trentenaires, dont des astreints de la protection civile engagés dans un centre de vaccination. Le réseau a été démantelé début octobre et 460 clients et clientes ont été identifiés par la police depuis.
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Parmi ces personnes, près de 60% sont des hommes et plusieurs sont membres de la même famille. La moyenne d'âge est de 35 ans et toutes et tous viennent de milieux sociaux variés: cadres d'entreprise, professeurs de sport, étudiants, ancien footballeur professionnel ou encore le fils d'une star mondialement connue. L'ensemble des acheteurs et acheteuses a pour point commun la peur du vaccin. "Je voulais attendre un peu. Je suis quelqu'un qui voyage beaucoup donc j'ai fait des vaccins, je suis vacciné depuis petit. Je ne suis vraiment pas contre le vaccin, mais pour moi, il n'y avait pas assez de recul", témoigne l'entrepreneur.
Huit cent francs, c’est cher, mais c’était le prix à payer pour une vie normale
Une procédure exceptionnelle
Plusieurs dizaines d'autres acheteurs présumés contactés par la RTS n'ont pas souhaité témoigner. Pour beaucoup, leurs proches n'étaient pas au courant qu'ils possédaient un faux. Certains avouent être prêts à le refaire sans hésitation, alors que d'autres disent regretter amèrement et n'avoir jamais utilisé le pass frauduleux. Tous affirment en tout cas n'avoir mis personne en danger et avoir continué à respecter les gestes barrières.
Chacune de ces personnes va dans tous les cas devoir répondre devant la justice de faux dans les titres. La procédure judiciaire est hors norme de par son ampleur. Il est en effet impossible d'auditionner 460 prévenus.
"Les utilisateurs des faux certificats seront dans un premier temps invités à se déterminer par écrit. Des auditions seront ordonnées ultérieurement si nécessaire", écrit le Ministère public genevois.
Une peine de prison peu probable
Quant à la peine, les acheteurs et acheteuses encourent jusqu'à cinq ans de prison. Selon Nicola Meier, avocat pénaliste, il ne s'agira probablement que d'une amende de quelques centaines à quelques milliers de francs.
"On peut s’interroger de savoir si la simple acquisition d’un faux pass est constitutive d’une infraction", explique-t-il. "Il faut démontrer qu'il y a un usage qui en a été fait par la suite et c’est ce qui sera constitutif de l'infraction de faux dans les titres. Et si l’auteur n’a pas d'antécédents, ce serait des jours amendes avec sursis."
En attendant une décision de justice, les autorités genevoises ont annoncé vendredi que les QR code des fraudeurs et fraudeuses présumés venaient d'être désactivés. Il leur est donc désormais impossible d'accéder aux zones soumises au pass sanitaire.
Flore Amos/iar
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