La conférence du polémiste d'extrême droite est prévue dans un lieu encore secret, mais les réseaux parlent de l'Hôtel Hilton près de l'aéroport. L'événement est controversé: la ville de Genève s'y est formellement opposée, contrairement au canton, et des militants de gauche et d'extrême gauche vont manifester.
Eric Zemmour a l'habitude de venir en Suisse. Il vient à chacune de ses sorties d'ouvrage, rappelle Etienne Girard, journaliste et rédacteur en chef de la rubrique Société au magazine L'Express, qui publie un livre consacré à Eric Zemmour - "Le Radicalisé", chez Seuil.
"Là, il y a un contexte particulier: il veut trouver en Suisse des lecteurs évidemment, mais aussi cette fois des électeurs - beaucoup de Français habitent à Genève -, et puis des donateurs. Il a besoin d'argent et espère récolter quelques milliers d'euros à Genève", a détaillé mercredi Etienne Girard dans La Matinale de la RTS.
Admiration pour la Suisse
Pour Etienne Girard, une raison plus profonde de la venue d'Eric Zemmour réside dans le fait qu'il admire la Suisse depuis des années. "Il admire le principe des votations, ça lui plaît beaucoup. La protection des frontières et la régulation de l'immigration sont des idées qu'il souhaite porter. Il souhaite donc montrer que la Suisse est pour lui, de ce point de vue, un modèle".
Et en termes de partis, poursuit le journaliste, Eric Zemmour aime tout particulièrement l'UDC, avec laquelle il a des liens privilégiés. "Il se reconnaît tout à fait dans certaines campagnes choc de l'UDC, qui correspondent à son goût pour l'outrance. Il admire l'UDC depuis des années et il est très content, pour cela, de venir en Suisse".
Faire du bruit
Les apparitions d'Eric Zemmour soulèvent souvent des tensions et des manifestations, comme à Genève. Cette agitation "ne le dessert pas complètement", juge Etienne Girard. "Ce n'est pas nouveau: il y a des manifestations depuis 2014 autour des déplacements d'Eric Zemmour. Il s'en est toujours accommodé: ça fait du bruit. Or, il dit très souvent que tout ce qui ne passe pas au journal de 20 heures n'existe pas. Donc cette polémique crée du bruit, du 'buzz', et il aime bien ça". Tant qu'il peut venir physiquement tenir une conférence, c'est gagnant pour lui.
Il aura fait du bruit, il aura pu parler et ses propos seront d'autant plus repris. Donc finalement, le préjudice est assez faible pour lui, conclut Etienne Girard.
Discours radicalisé
S'agissant de la responsabilité des médias français dans le phénomène Zemmour, le journaliste de L'Express estime qu'il ne faut pas réduire la percée de Zemmour en septembre-octobre à une exposition dans les médias. "Son discours de radicalité et de virulence a plu dans cet intervalle de temps, parce qu'il était en concurrence avec la candidate Marine Le Pen, qui, dans le même temps, voyait son discours s'essouffler".
Pour Etienne Girard, la "dédiabolisation" de Marine Le Pen la rendait moins intéressante pour toute une partie de son électorat très en colère. Alors que les deux personnalités jouent sur les mêmes thématiques, elles s'essoufflent chez Marine Le Pen alors qu'elles cartonnent chez Eric Zemmour.
Le Pen incapable de gagner
Etienne Girard explique cette différence par le débat d'entre-deux tours de la présidentielle en 2017 entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. "Marine Le Pen est apparue pas au point, maladroite, mal préparée, et pour un certain nombre de gens, elle est apparue ce jour-là comme incapable de gagner un jour l'élection présidentielle".
Elle est en quête de respectabilité, pour faire moins peur, "et finalement, cette stratégie lui a coûté, parce qu'elle ne fait plus assez peur. Toute une partie de son électorat veut un candidat qui tient des propos extrêmement radicaux et tranchants vis-à-vis de l'immigration, sur les sujets d'identité, d'islam. Et Eric Zemmour est arrivé à point nommé dans ce contexte-là. Par son outrance habituelle, son goût des provocations, des polémiques, il est apparu vraiment comme celui qui a les qualités que Marine Le Pen n'a pas", analyse Etienne Girard. "Mais une campagne, c'est long, donc attention!", conclut-il. Eric Zemmour est d'ailleurs en train de baisser dans les sondages.
Interview radio: Valérie Hauert
Adaptation web: Jean-Philippe Rutz