Il est 19 heures lorsque les portes du temple protestant s'ouvrent pour accueillir plusieurs sans-abris. Les personnes qui attendent ont des profils très différents. Il y a deux jeunes hommes bien habillés qui cherchent désespérément un emploi, un homme qui s’est fait voler son argent et qui n’arrive pas à rentrer chez lui en Suède, une femme qui vient chaque jour après son travail ou encore un artiste tout sourire qui parle de fin du monde.
A l’intérieur, le temple est métamorphosé. Les bancs d’église et les lits de camps s'alternent. Autour de l’autel, des tapis font office de matelas de fortune. Une immense croix veille sur tout le monde. Les bénévoles plaisantent: "c'est sans doute grâce à elle qu’il n’y a pas encore eu de foyer de Covid-19 malgré la foule".
Plutôt par terre que dehors
A l’entrée, la désinfection des mains et le port du masque sont obligatoires. Celles et ceux qui étaient là la veille retrouvent leur lit mais pour les autres, il faut patienter jusqu'à 22 heures, lorsque les couchettes restées vides seront attribuées. En attendant, les bénévoles leur tendent un plat chaud. Quand il n'y a plus de lit, les équipes entassent des couvertures pour rendre un coin de sol supportable car la Caravane Sans Frontières ne refuse personne. "Plutôt par terre que dehors", soutient l’association.
Pour beaucoup, le sol reste la meilleure option. Un homme, par exemple, explique qu'il a dormi la nuit antérieure au poste de police "alors que je ne faisais que me balader dans la rue", assure-t-il. Karim, quant à lui, était au froid dans une cave. "Ici au moins, c’est convivial et il y a un repas chaud", souligne-t-il. Pour lui dormir à même le sol n'est pas un problème. "Ce qui compte, c’est d’être au chaud", affirme-t-il. Ce soir-là, une famille et une femme enceinte dormiront aussi par terre.
75 personnes pour 38 lits
Au total, 75 personnes dormiront au temple la nuit de mercredi à jeudi, un triste record pour l’association. Ce dispositif d'urgence était prévu pour accueillir 27 sans-abris. Depuis, la Caravane a trouvé des lits d'appoint supplémentaires, 38 lits sont installés. "On va faire une demande à la Ville de Genève pour avoir plus de matériel et éviter que les gens ne dorment par terre", explique Ana Lopez, employée de l’association.
La Ville de Genève dit étudier cette demande de soutien. Une semaine auparavant, elle avait accueilli 13 personnes de la Caravane dans un de ses centres mais les autres structures de la ville sont également sous pression. "C’est un dilemme auquel font face tous nos collègues ces dernières années. C’est difficile d’offrir suffisamment de places à ce stade, alors que les besoins sont énormes", explique Hugues Robert, responsable du dispositif d’urgence social de la Ville de Genève.
En novembre dernier, la loi cantonale sur l’aide aux personnes sans abri (LAPSA) est entrée en vigueur. Ce sont désormais les communes qui sont compétentes en matière d’hébergement d'urgence mais il reste encore à définir comment le financement sera réparti pour améliorer la situation globale, souligne la Ville de Genève.
Reportage d'Anouk Pernet
Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva