Selon l'enquête de la RTS, le directeur général de l'OMS, le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus, a avalisé la nouvelle politique de remboursements. L'OMS l'a d'ailleurs confirmé à la RTS.
Une réforme qui, symboliquement, ne colle pas vraiment avec les recommandations globales édictées pour le monde entier par l'OMS, qui milite pour un accès facilité aux tests Covid pour les personnes symptomatiques et les cas contact. L'OMS recommande également d'alléger autant que possible la charge sur les médecins et les structures de santé.
Écart entre les discours et les actes
En mars 2020, en plein éclatement de la crise, le directeur général martelait face aux caméras du monde entier son fameux: "Test, test, test!" Mardi dernier encore, l'Ethiopien a de nouveau mis en garde les gouvernements du monde entier contre un rapide relâchement des mesures: "Plus de transmissions signifie plus de décès."
Toutefois, pour les employés de l'OMS, ces discours de prévention semblent s'être récemment heurtés à la réalité économique. Le 11 janvier dernier, l'ensemble du personnel a reçu une note interne en provenance de l'assurance maladie de l'OMS, la compagnie essentiellement destinée au personnel de l'organisation, gérée à l'interne et autofinancée par les cotisations des employés et des retraités présents dans plus de 194 pays du monde.
De nombreux critères pour le remboursement
Pour un employé OMS et sa famille affiliée à l'assurance interne, le test Covid (PCR en laboratoire ou antigénique rapide) n'est désormais remboursé à 80% que s'il est fait "pour des raisons médicales" et prescrit au préalable par un médecin.
Cela se complique encore un peu lorsqu'on entre dans les détails: l'ordonnance du médecin doit impérativement avoir été établie avant la réalisation du test lui-même: pas question d'un arrangement avec un docteur amical, une ordonnance renouvelable pour des tests ne donne pas droit non plus au remboursement et pas de remboursement non plus pour une visite à un parent dans une maison de retraite ou pour un enfant cas contact à l'école. Et la liste des exemples est encore longue.
Des raisons économiques
Selon des documents internes auxquels la RTS a eu accès, de nombreux employés du siège de l'OMS à Genève se disent "très surpris" par ce manque d'exemplarité et ils sont mécontents. Un mécontentement porté à la connaissance de l'assurance maladie qui s'est justifiée par écrit. Elle invoque, entre autres, les coûts: au vu du montant des remboursements de tests des employés de l'OMS, effectués "majoritairement pour raisons personnelles", cela ne s'avère pas "économiquement supportable".
Au vue du montant des remboursements de tests des employés de l'OMS, effectués "majoritairement pour raisons personnelles", cela ne s'avère pas "économiquement supportable"
Le montant articulé est de plus de 500'000 dollars en moins d'un an. Ce qui pose dans ce cas des questions quant à la viabilité même de l'assurance santé des professionnels de la santé mondiale.
De toute manière, explique l'assurance maladie de l'OMS, elle ne suit pas toujours les politiques de santé de l'OMS pour des raisons financières. A l'interne, l'assurance souligne également la responsabilité du directeur général dans l'adoption de cette nouvelle politique "longuement discutée par un comité d'experts".
L'assurance a "suivi les recommandations"
La RTS a contacté l'OMS, via son service de communication, pour obtenir des clarifications et sa position officielle quant à cette nouvelle politique. Elle apporte une nuance: le docteur Tedros Adhanom Ghebreyesus a "suivi les recommandations qui lui ont été formulées."
L'avis de l'organe directeur de l'assurance maladie du personnel a fait sa recommandation après avoir consulté les experts de l'OMS en la matière. Ce conseil comprenait une analyse comparative avec d'autres régimes d'assurance.
"En tant qu'organisation financée par des fonds publics", l'OMS considère que son "régime d'assurance maladie offre des prestations optimales pour les ressources disponibles"
Elle rappelle que les politiques de l'assurance sont régies par un comité administré par un collège de représentants internes de chaque région de l'OMS et externes. Et c'est ce comité qui formule des recommandations au directeur général.
"En tant qu'organisation financée par des fonds publics", l'OMS considère que son "régime d'assurance maladie offre des prestations optimales pour les ressources disponibles". Les participants sont libres de contracter des complémentaires.
L'OMS ajoute qu'elle rembourse les vaccins anti-Covid et les tests en cas de voyage professionnel. Détail symbolique: au siège de l'OMS à Genève, phare planétaire de la lutte contre le Covid-19, une majorité du personnel est certes en télétravail. Mais pour les autres, aucun autotest gratuit n'est distribué.
Benjamin Luis
Utiliser une assurance suisse
Le personnel de l'OMS est encouragé à avoir recours aux programmes nationaux de tests gratuits si possible.
En effet, pour les personnels OMS basés en Suisse, l'assurance maladie interne n'est pas le seul moyen d'obtenir un remboursement. Cela est indiqué en petit caractères au bas d'un tableau sur le site de l'Etat de Genève: En cas de symptômes de Covid, les personnes non affiliées à une assurance suisse ont la possibilité de se faire rembourser un test PCR ou antigénique sans ordonnance, via la Confédération, moyennant l'envoi par le centre de test de la facture à l'institution de la LAMal. La direction genevoise de la santé l'a confirmé.
Dans les faits, selon les sources de la RTS, l'opération s'avère compliquée. Les personnels internationaux de l'OMS, souvent des expatriés, et les centres de tests eux-mêmes ne sont pas toujours au courant de cette option au moment de régler la facture. Mais cela n'est qu'une réalité locale parmi d'autres: le personnel de l'OMS, ce sont plus de 194 pays et donc 194 réalités différentes.