Perquisition et arrestations au foyer de Mancy, le PLR demande des comptes à Anne Emery-Torracinta
Il s'agit d'un nouveau rebondissement dans l'affaire des mauvais traitements au foyer de Mancy, qui accueille des enfants atteints de troubles lourds du comportement. Deux plaintes pénales avaient été déposées au printemps dernier suite à la surmédication suspecte au Temesta (anxiolytique) d'une jeune autiste de 13 ans en mars 2021.
Trois collaborateurs ont ainsi été appréhendés lundi par la police. Ils sont accusés d'avoir "administré à une résidente des médicaments qui ne lui avaient pas été prescrits et d'avoir ainsi mis sa santé, voire sa vie, en danger", indique le Parquet.
L'exécutif soutient la conseillère d'Etat
L'un des accusés a été auditionné lundi avant d'être relâché. Les deux autres seront entendus mardi par la procureure chargée du dossier Victoria de Haller. Tous trois bénéficient pour l'heure de la présomption d'innocence.
Le président du Conseil d'Etat genevois Serge Dal Busco a indiqué mercredi que l'exécutif cantonal soutenait sans réserve la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta, qui fait face à une avalanche de critiques. Selon lui, elle a agi avec diligence.
La magistrate, qui a "une sensibilité toute particulière" aux enfants autistes, sa fille souffrant de ce handicap, a dénoncé rapidement les faits à la justice, estime-il.
Des employés toujours en poste?
La question se pose toutefois de savoir si les employés arrêtés ont continué de travailler malgré les plaintes déposées il y a près d'un an. Ni le Département de l'instruction publique, ni le Ministère public genevois ne répondent à cette question. Selon des informations de la RTS, l'une des trois personnes interpellées était en arrêt maladie de longue date lors de son arrestation. Elle a été appréhendée chez elle. Quant aux deux autres prévenus, il semblerait qu'ils aient été interpellés sur place, au foyer de Mancy. Cela signifie qu'ils étaient sur leur lieu habituel de travail. Mais impossible de savoir s'ils ont continué à travailler en continu depuis la survenance des faits.
Cette situation pose plusieurs questions: pourquoi ces deux collaborateurs n'ont-ils pas été suspendus dès les plaintes déposées, au printemps dernier? Ont-ils malgré tout été recadrés par leur hiérarchie? Des cautèles ont-elles été placées pour encadrer leurs activités avec des enfants aux pathologies lourdes? L'enquête en cours devrait répondre à ces questions.
Plusieurs autres plaintes
À l'issue de ces auditions, de nouvelles charges pourraient être ajoutées à l'accusation. Car d'autres plaintes ont été déposées dans ce dossier, en lien avec d'autres faits de maltraitances sur des résidentes et des résidents du foyer.
On parle d'enfants ou d'adolescents privés de nourriture, traînés par terre ou encore laissés dans leurs excréments. Des maltraitances qui ont duré près de deux ans, dès 2019, le tout dans des locaux inadaptés.
Le Département de l'instruction publique, qui a la tutelle du foyer de Mancy, avait donc porté plainte en décembre dernier pour une violation potentielle du devoir d'assistance ou d'éducation. La mère d'une des victimes a également porté l'affaire devant la justice.
>> Lire : Des députés genevois vont enquêter sur le Foyer pour autistes de Mancy
L'enquête pénale s'accélère donc, mais elle est loin d'être terminée. Les réponses manquent à ce stade. Un audit avait été lancé au printemps pour établir la chaîne des responsabilités, qui reste à établir. D'anciens employés déclaraient par ailleurs la semaine passée qu'ils n'avaient encore jamais été entendus dans cette affaire.
Le PLR veut retirer la gestion du foyer au DIP
Mardi, le PLR a réagi à ces nouveaux développements et demandé que la supervision du foyer de Mancy soit retirée au Département de l'instruction publique (DIP) pour être confiée à un autre département ou à une délégation ad hoc du collège gouvernemental, "pour que la sécurité des enfants" soit assurée. Le parti déplore que la cheffe du DIP, Anne Emery-Torracinta, n'ait "pas pris la mesure de la situation".
Interrogé dans l'émission Forum, Alexandre de Senarclens, député PLR au Grand Conseil genevois, s'est déclaré "choqué et ému par ces révélations qui sont absolument terribles, très graves. Cela démontre une incapacité de la part du Département à gérer ce foyer, il y a des problèmes de gouvernance, de faillite dans la supervision de la part du DIP et de la part d'Anne Emery-Torracinta".
"J'attends des explications de la part de la conseillère d'Etat", a encore déclaré le député PLR. "Sa responsabilité est engagée par rapport à ces graves faits." Est-ce un appel à sa démission? "Je pense que c'est à elle de savoir si elle estime avoir encore les compétences et si elle a l'autorité pour remettre de l'ordre dans le DIP", a conclu Alexandre de Senarclens.
"Totalement indigne d'un parti"
Ainsi pointée du doigt par le PLR, la conseillère d'Etat Anne Emery-Torracinta a estimé aussi dans Forum qu'il était "totalement indigne d'un parti gouvernemental d'exploiter la souffrance de familles et d'enfants à des fins purement politiciennes. Nous sommes à un an et demi des élections et nous sentons très bien que le PLR est en train de jouer une carte".
La cheffe du DIP a tenu toutefois a rappelé que "par rapport à cette affaire, le DIP a immédiatement dénoncé les cas auprès du Ministère public. Je me réjouis, comme le Conseil d'Etat, que toute la lumière soit faite. Nous attendons au Conseil d'Etat à la fois les résultats de l'analyse externe qui devraient arriver prochainement et celle de la commission de contrôle de gestion.
Anne Emery-Torracinta a conclu en rappelant que "nous ne pouvons pas nous exprimer quand des procédures pénales sont en cours".
Raphaël Leroy/jop/lan
Vaud renforcera bientôt sa surveillance
Alors que le canton de Genève est secoué par le scandale du foyer de Mancy, la conseillère d'Etat vaudoise Cesla Amarelle a été questionnée mardi devant le Grand Conseil sur la situation dans le canton de Vaud. La ministre de l'éducation et de la jeunesse a notamment insisté sur la mission de "haute surveillance" du Conseil d'Etat, un rôle qui sera encore renforcé ces prochains mois.
"Le risque zéro n'existe pas, mais le gouvernement travaille à limiter ce risque à son strict minimum", a relevé Cesla Amarelle. Un nouveau concept est d'ailleurs "en cours de finalisation", a-t-elle indiqué, sans donner davantage de détails. Elle a juste mentionné que l'application de ce nouveau dispositif sera assurée par un "chargé d'évaluation", dont l'entrée en fonction est prévue dès l'été prochain.