Les faits remontent à 2016. A l'époque, Shadia Chagna suivait son apprentissage d'assistante socio-éducative à la fondation Clair-Bois lorsqu'une résidente est victime d'une crise d'épilepsie. A ce moment-là, elle voit sa formatrice frapper un jeune autiste.
"Cette éducatrice a voulu intervenir. Et au moment où on était tous rassemblés et tous proches de cette résidente qui faisait une crise d'épilepsie, l'éducatrice s'est retournée et a envoyé son coup de poing dans le visage de ce résident pour qu'il aille s'asseoir", raconte-t-elle dans le 19h30.
Le lendemain, Shadia Chagna va voir son supérieur avec une collègue qui a également assisté à la scène. "On lui a expliqué ce qu'on avait vu et mot pour mot, il a dit, 'Cette conne a encore recommencé'", se souvient-elle. L'incident sera gardé secret et il n'y aura aucune suite.
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Scènes de maltraitance fréquentes
Entre ses débuts en 2016 et son renvoi en 2019, Shadia Chagna dit avoir vu dix scènes de maltraitance de la part de plusieurs éducateurs différents. D'autres employés confirment ces faits.
"J'ai été témoin de plusieurs actes comme des étranglements, des coups de poings, des claques, des douches froides, des verres d'eau qu'on lui lançait dans le visage, pour qu'il se calme ou qu'il arrête de se taper."
Le résident visé s'appelle François-Xavier. Il souffre d'un retard psychomoteur et de troubles autistiques. Son père n'a découvert les faits qu'en 2019 quand Shadia Chagna l'a appelé. Depuis, il a porté plainte.
"Cela a été un choc pour nous. Ce que nous faisons actuellement, notre combat, c'est de parvenir à la manifestation complète de la vérité des faits pour que les manquements ou les défaillances soient mis en évidence", témoigne Hervé Arot, le père du résident maltraité, dans le 19h30.
Faits niés dans un premier temps
Car dans une premier temps, l'institution et son directeur ont nié les maltraitances. Aujourd'hui, Pierre Coucourde, son directeur, reconnaît la plupart des faits et un manque de transparence vis-à-vis de la famille.
"Ils sont en colère et je peux tout à fait comprendre. A leur place, je serais aussi dans cet état d'esprit. Parce que l'institution n'a tout simplement pas fait son job sur le moment. Au moment où les événements arrivent, la réaction doit être immédiate, elle doit être transparente, ouverte. La communication avec les parents a aussi été déficiente. Dans une situation où il y a une suspicion, la première personne informée, c'est le parent."
Insuffisance des contrôles
Depuis, les éducateurs bénéficieraient de davantage de formation dans le domaine de l'autisme, et l'organisation de Clair-Bois aurait été modifiée pour éviter la culture du secret. Mais se pose la question du contrôle de ces institutions qui s'occupent de personnes particulièrement vulnérables, comme le souligne dans le 19h30 le conseiller d'Etat genevois Thierry Apothéloz. "Aujourd'hui, on a un groupe qui étudie les situations au sein des institutions en lien avec la santé. Il faut qu'on développe - c'est ce que j'aimerais proposer - des surveillance autour du socio-éducatif."
A noter qu'aujourd'hui, François-Xavier est toujours à Clair-Bois, mais il attend qu'une place se libère pour être transféré dans une autre institution.
Julie Conti/fgn